Ainsi l’espace théâtral sera utilisé non seulement dans ses dimensions et dans son volume, mais, si l’on peut dire, dans ses dessous.
Le chevauchement des images et des mouvements aboutira, par des collusions d’objets, de silences, de cris et de rythmes, à la création d’un véritable langage physique à base de signes et non plus de mots.
Car il faut entendre que, dans cette quantité de mouvements et d’images pris dans un temps donné, nous faisons intervenir aussi bien le silence et le rythme, qu’une certaine vibration et une certaine agitation matérielle, composée d’objets et de gestes réellement faits et réellement utilisés. Et l’on peut dire que l’esprit des plus antiques hiéroglyphes présidera à la création de ce langage théâtral pur.
N’importe quel public populaire a toujours été friand d’expressions directes et d’images ; et la parole articulée, les expressions verbales explicites interviendront dans toutes les parties claires et nettement élucidées de l’action, dans les parties où la vie se repose et où la conscience intervient.
Mais, à côté de ce sens logique, les mots seront pris dans un sens incantatoire, vraiment magique, — pour leur forme, leurs émanations sensibles, et non plus seulement pour leur sens.
Car ces apparitions effectives de monstres, ces débauches de héros et de dieux, ces manifestations plastiques de forces, ces interventions explosives d’une poésie et d’un humour chargés de désorganiser et de pulvériser les apparences, selon le principe anarchique, analogique de toute véritable poésie, ne posséderont leur vraie magie que dans une atmosphère de suggestion hypnotique où l’esprit est atteint par une pression directe sur les sens.
Si, dans le théâtre digestif d’aujourd’hui, les nerfs, c’est-à-dire une certaine sensibilité physiologique, sont laissés délibérément de côté, livrés à l’anarchie indivi-