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SIR WILFRID LAURIER

majorité de la nation canadienne. Tout d’abord, il ne voit pas pourquoi le Canada irait en Afrique prendre part à une guerre qui lui est étrangère, qui ne concerne que la finance et le commerce anglais et au surplus ne met en présence de la métropole que quelques bandes de paysans. Il ne le voit pas, et, par la voix de la presse, il le dit. Une agitation loyaliste aux trois quarts factice, partie de la résidence du gouverneur, se dessine, grandit, gagne peu à peu la presse. M. Laurier ne tente même pas d’y tenir tête ; il cède, envoie des troupes. Cette fois encore il s’excuse en disant que ses adversaires auraient fait pis. Et pour chercher à tout concilier, il fait insérer au décret de participation que cette participation ne constituera pas un précédent !

La guerre de 1914, par ses proportions comme par les principes en jeu, ressemblait si peu à celles qui l’avaient précédée, que le Canada aurait pu y prendre part sans nécessairement se commettre à une politique permanente de participation ; mais représenter la tragique bouffonnerie de 1899 comme un de ces événements auxquels un pays qui n’y est nullement intéressé peut prendre part sans déroger délibérément et définitivement à son autonomie politique et militaire, c’était se moquer du monde.

M. Laurier, sautant cette passe difficile, n’en resta pas moins au pouvoir avec l’appui de ses compatriotes, qui, dans la conviction qu’en effet « un Anglais aurait fait encore pis », voyaient naïvement en lui le champion de la tradition nationaliste, et le concours de très nombreux Anglais, dont quelques-uns votaient pour lui par véritable largeur d’esprit, mais les autres parce que, pensaient-ils tout bas et se risquaient-ils quelquefois à dire ou à écrire, lui seul avait pu réussir à faire entrer le Canada français dans la voie impérialiste.