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DE NOS BESOINS INTELLECTUELS

quelques années surtout, il s’intéresse très activement à tous les problèmes d’économie rurale. Dans 85,000 foyers, la prose que je viens de citer sera lue ligne par ligne, mot par mot. Réfléchissez seulement qu’il y en a comme cela vingt-quatre pages de 10 pouces x 14. Le journal en question présente aujourd’hui au lecteur une rédaction variée et intéressante ; il pourrait être chez nous un puissant auxiliaire de la petite école française. Il enseigne aux cultivateurs à mieux travailler, à gagner honnêtement plus d’argent, plus de bien-être, et c’est tant mieux pour eux et pour la race. Croyez-vous qu’il leur enseigne également à parler français ?

Un coup d’œil sur les quotidiens vous convaincra que la rédaction ordinaire de la réclame n’y diffère nullement de celle de nos enseignes. C’est le même dévergondage dans les mots, la même imprécision dans la pensée, le même mélange inintelligible de français et d’anglais en des phrases qui n’ont au demeurant rien de l’un ou de l’autre. Au moins, le texte courant, la « matière à lire », — plût à Dieu que l’autre ne fût pas à lire ! — diffère-t-elle sensiblement de la réclame ? Nous allons, si vous le voulez, en faire l’épreuve tous ensemble.

Je vous entends dire : « Un journaliste épluche ses confrères. Dans dix, douze, vingt, trente pages de prose remplies hâtivement, à la pelle, il trouve en cherchant bien, quelques lignes de mauvais français ! La belle affaire ! »

Si cela vous agrée, nous analyserons brièvement dix ou vingt lignes prises au hasard en tête de la première page d’informations, dans toutes les feuilles d’une même date — disons mardi 16 décembre — d’une même ville que nous supposerons être Montréal.