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PENSÉE FRANÇAISE

épineux en sollicitant de Lantagnac une action politique que Maud, soutenue par ses parents, réprouve comme une espèce de manquement à la foi jurée. L’adhésion publique de Lantagnac à la cause de la minorité franco-ontarienne serait pour celle-ci d’un puissant secours. D’autre part, il est à craindre qu’elle ne divise profondément une famille jusque-là très unie malgré la préférence des uns pour le français, des autres pour l’anglais. C’est ce conflit entre le devoir domestique et le devoir social qui fait le nœud du roman. Ses tendances naturelles et les exhortations du sénateur Landry, renforcées des raisonnements du père Fabien, feront accepter à Lantagnac la candidature protestataire dans le comté de Russell, où il est élu. Le ménage résisterait peut-être à ce premier choc, car du côté Fletcher on n’est pas insensible aux honneurs certains et aux avantages probables d’un mandat parlementaire, même obtenu dans de pareilles conditions. Mais, à moins de se déjuger, Lantagnac n’est plus libre de ses mouvements. Dans le débat que vient de soulever aux Communes le vœu de son collègue Ernest Lapointe touchant l’enseignement du français, plus que jamais tiré en sens contraire par ses intérêts domestiques et professionnels et par son devoir de Canadien-Français, en vain tente-t-il d’accorder son cœur et sa conscience sur une solution transactionnelle ; au dernier instant, comme mû par une force invisible, il se lève, et, faisant mentir des prévisions que lui-même contribua à accréditer, prononce en faveur de la liberté scolaire des paroles irrévocables. Maud Fletcher retournée chez son père avec William et Nellie ; la cadette des filles, Virginia, partant pour le couvent ; sa place comme avocat de la grande firme forestière Aitkens Brothers prise par le cousin de Maud, William Duffin, tout s’effondre à la fois sous ses pieds. Dans ce cataclysme, il ne lui reste que l’attachement de Wolfred, élève à l’Université de Montréal, lequel, de son propre