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PENSÉE FRANÇAISE

nous dans le Québec les écoles les plus parfaites du monde, nos compatriotes anglais des autres provinces seraient excusables de ne s’en pas douter tant que, avec une politique économique dirigée au profit de la haute finance anglaise et une presse d’« action sociale catholique » tout occupée à faire de la casuistique religieuse au profit de partis politiques, nous serons dans notre propre maison des « porteurs d’eau » et des « scieurs de bois ». Eussions-nous la plus belle littérature et la plus haute culture scientifique du monde, que nous ne pourrions pas faire un crime à l’Ontario de l’ignorer tant que nos journalistes et nos hommes politiques, effrayés de leur ombre, incapables d’une idée personnelle, apporteront dans la délibération des problèmes nationaux des âmes de castrats et des intelligences de concierges. Le praticien romain prenait des leçons de ses affranchis, quand ils étaient grecs et qu’il les savait venus directement des écoles d’Athènes : il n’en prenait point de ses esclaves. Montréal, à ce qu’on m’assure, est plein de docteurs ès-lettres italiens, russes, polonais et juifs qui ont beaucoup plus de distinction intellectuelle que la plupart des membres de notre Société Royale et qui, en attendant d’avoir pu se familiariser avec les langues et les coutumes du pays, gagnent leur vie à malaxer du béton ou à porter l’oiseau : qui de nous les connaît, qui de nous se donne la peine de les découvrir ?

Pour inspirer aux Canadiens anglais le respect de notre langue, nous avons encore d’autres conditions à remplir. Pour l’instant je n’en indiquerai que trois.

La première, c’est de leur prouver que le français tel que nous le vivons, si je puis m’exprimer ainsi, ne nuit pas à notre formation intellectuelle. En d’autres termes, c’est d’abord de faire en sorte que nos écoles existent.