Page:Asselineau - La Double Vie, 1858.djvu/237

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rival tourna les yeux vers le côté où était Lydie, et chaque fois mon regard, qu’il rencontra, fit baisser le sien.

Il est certain que dès le début il parut à tous au-dessous de son talent. Tout à coup, comme atteint d’un malaise subit, il s’interrompit et se pencha sur son siège en murmurant quelques mots d’excuse.

Je me levai. Un général d’armée, donnant le signal de l’attaque, n’est pas plus ému que je ne l’étais ; c’est que moi aussi j’allais livrer une bataille. Je fis trois pas : chacun se retirait devant moi, comme si j’eusse eu la tête de Méduse sur les épaules. La conjuration du hasard dura jusqu’au bout ; le premier objet que j’aperçus en m’approchant du piano fut un violon déposé sur le pupitre.

Je le saisis ; je l’appuyais sur ma poitrine… En ce moment je sentis tous les regards s’attacher sur moi ; l’émotion causée par la défaillance de Gatien s’était apaisée.

J’attaquai vigoureusement.

Un cri d’effroi éclata dans l’auditoire. J’osai poursuivre. Mais cette fois la rumeur fut telle, que l’instrument s’échappa de mes mains et alla rebondir en gémissant sur le parquet.

Au même instant, un bras se glissa sous le mien, et cédant à une impulsion étrangère, je me dirigeai vers la porte.

Les femmes s’enfuyaient, épouvantées, sur mon passage : l’une d’elles, jeune et jolie, me regarda