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Un sourire faisait grimacer sa gueule tannée de pêcheur, entr’ouvrait sa bouche édentée. Avec ses sourcils broussailleux, la mèche noire qui descendait sur son front, les rides qui lui couraient sur le visage, il avait un air finaud, comme celui qui en sait long sur les hommes.

— Tu ne veux rien raconter ? demanda encore Caussade.

— Eh bien, voilà, je connais un moyen pour lui fermer le bec !

Ça tombait à pic ! Avec juin commençait la forte chaleur, le soleil vous dégringolait sur les épaules comme du plomb bouillant. Il faisait bon faire plus souvent la pause et boire tous à la ronde ; puis de se remettre doucement au boulot. Le vieux Quintana laissait entendre qu’il perdait de l’argent. Les compagnons n’en croyaient rien, les marins des voiliers qui transportaient la ferraille disaient que sur le continent c’était payé un bon prix. Au reste, ils s’en fichaient. Ils ne voulaient pas s’éreinter et souhaitaient avoir de l’ouvrage pour longtemps. Ils se tenaient solidement les coudes, tous comme un seul corps, une seule paire de bras.

Si Palau arrivait à l’improviste et criait, pépé Anton’ lui lançait : « Fous-leur la paix. Compris ? » Palau ravalait ses injures ; Il s’en allait à terre, parfois on ne le revoyait plus de la journée. Et les gars admiraient le pouvoir du pépé Anton’. Quel truc avait-il pu inventer ?

Un matin, il leur dit mystérieusement :

— Palau nous quitte pour s’associer au patron du café de la place vieille — il tenait cette nouvelle de son ami le commissionnaire.

Ils s’exclamèrent. Palau faisait moins de zèle, mais on n’en était pas encore débarrassé !

— Un pari que c’est vrai ? poursuivit pépé Anton’.

Le surlendemain, Ramon demandait à Portalis de diriger les travaux.

Eugène DABIT.