d’Albret (cf. IV, 214, Fers) devient la Déborah du parti réformé, et que lui-même, osant s’attaquer aux puissants de la terre, il se compare à David saisissant sa fronde pour frapper Goliath au front (IV, 72, Princes). Or c’est surtout, croyons-nous, à l’influence biblique qu’il faut attribuer deux traits de la poésie de d’Aubigné : une veine mystique, et naturellement lyrique, — une imagination mythologique, et naturellement épique.
La veine mystique est tout à fait opposée à l’imagination purement plastique des poètes de la Pléiade, et son apparition dans la poésie est sans doute un fait digne de remarque, s’il est vrai que la grande différence de l’esprit chrétien et de l’esprit païen, et par suite de la poésie chrétienne et de la poésie païenne, c’est précisément la mysticité. À chaque moment, lorsque son cœur se soulève de dégoût ou d’indignation, d’Aubigné tourne ses regards vers Dieu et se répand en de lyriques effusions. Il est à remarquer que ces effusions prennent presque toujours un caractère prophétique. Dans les derniers livres surtout, d’Aubigné retrouve les accents des prophètes hébreux et parle comme si Dieu lui-même l’inspirait :
Voicy les propres mots des organes de Dieu (IV, 279, Jugem.).
Il faut noter aussi l’allure toute biblique du lyrisme qui éclate dans ces élévations :
Sauve sa vie alors que pour toy il la perd :
Ta main m’a delivré, je te sacre la mienne ;
Je remets en ton sein cette ame qui est tienne :
Tu m’as donné la voix, je te loueray, mon Dieu !
Je chanteray ton los et ta force, au milieu
De tes sacrez parvis ; je feray tes merveilles,
Ta deffence et tes coups retentir aux oreilles
Des Princes de la terre, et si le peuple bas
Parfois même ces prières (ainsi celles qui terminent les Miseres et la Chambre dorée) prennent tout naturellement la forme de stances, on pourrait dire de versets. Elles sont presque toujours divisées comme le verset en deux parties