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Qui preveus les effects dés le naistre des choses ;[1]
Dieu, qui d’un style vif, comme il te plaist, escris
Le secret plus obscur en l'obscur des esprits :[2]
Puis que de ton amour mon ame est eschauffee,[3]
Jalouze de ton nom, ma poictrine embrazee[4]
De ton feu pur, repurge aussi de mesmes feux[5]
Le vice naturel de mon cœur vicieux ;
De ce zele tres-sainct rebrusle-moi encore,
Si que (tout consommé au feu qui me devore,[6]
42. Qui preveut B.
- ↑ 42. Preveus. Sur cette forme, cf. Vaugelas, II, 74 : « On demande s’il faut dire il previt ou il preveut. Il faut dire previt, quoy qu’il y en ayt quelques-uns qui disent preveut. » Th. Corneille et l’Académie condamnent la forme preveut. — Le naistre des choses. Cet emploi de l'infinitif pris substantivement, recommandé par Du Bellay, Deff. et Ill., II, 9, est fréquent chez d’Aubigné. Voir les exemples recueillis par Schüth, p. 57.
- ↑ 44. Le secret plus obscur. Le sens est : toi qui graves, quand il te plaît, les vérités les plus mystérieuses dans les esprits obscurcis (par le vice naturel et la passion) ; de sorte qu’il est nécessaire que tu repurges les esprits de tes feux pour que la vérité, que tu as inscrite en eux en traits lumineux (d'un style vif), leur apparaisse. — En l’obscur des esprits. Emploi de l'adjectif substantivé recommandé par Du Bellay, Deff. et Ill., II, 9. Fréquent chez d’Aubigné. Voir v. 209, 302, 456, 703, 1099.
- ↑ 45-49. Distinction fréquemment faite par d’Aubigné entre l'âme, siège de la foi, et le cœur, siège des passions. Cf. v. 1064.
- ↑ 46. Jalouze de ton nom. Cf. Ezéchiel, XXXIX, 25 : « J’aurai pitié de toute la maison d’Israël et je serai jaloux de mon saint nom. »
- ↑ 47. Repurge. Il est piquant de retrouver dans le Printemps, III, 189, un passage analogue pour l’idée et l’expression, mais s’appliquant à un amour tout profane :
J’ay bruslé au feu de vos yeux
Ce que l'homme et le vicieux
Se reservoient en moy de reste.
Adonc je volle de mon coeur
Porté d’une sainte fureur...
Mon esprit comme ensevely
S’émancipe et enorgueilly
Contre le Ciel brise la creste,
Et repurgé de vos beaux yeux,
Vole aussi haut que les haultz Cieux... - ↑ 50. Consommé. On ne faisait alors aucune distinction entre consommer et consumer. D’Aubigné dit, III, 95, Print. : « le feu qui me va consommant, » et I, 379, Lettres : « Prélat consumé en toutes sortes de sciences. » Cf. Vaugelas, I, 408 ; Brunot, La doctrine de Malherbe, p. 311.
50-53. Nous modifions ici la ponctuation des éditions précédentes, qui mettent une virgule seulement après devore et ire, et nous entendons : serviteur de la colère divine, je suis moi-même exempt de toute colère purement terrestre, de toute passion purement humaine, qui me porterait