[1]
Que d’un gauche malheur ils se crevent les yeux. [2]
Cette femme esploree en sa douleur plus forte
Succombe à la douleur, mi-vivante, mi-morte ;
Elle void les mutins tous deschirez, sanglans,
Qui, ainsi que du cœur, des mains se vont cerchans. [3]
Quand, pressant à son sein d’un amour maternelle
Celui qui a le droit et la juste querelle.
Elle veut le sauver, l’autre qui n’est pas las
Viole en poursuivant l’asyle de ses bras :
Adonc se perd le laict, le suc de sa poictrine ;
Puis, aux derniers abois de sa proche ruine.
Elle dit : « Vous avez, félons, ensanglanté
Le sein qui vous nourrit et qui vous a porté :
Or vivez de venin, sanglante geniture,
Je n’ai plus que du sang pour vostre nourriture. »
Quand esperdu je voi les honteuses pitiez [4]
Et d’un corps divisé les funebres moitiez.
Quand je voi s’apprester la tragedie horrible [5]
131. Quand languissant A.||132. Du corps divisé T.
- ↑ 115. Fait si furieux : Se redouble et se fait si furieux. Cf. IV, 100, Princes, une omission analogue de se :
Les uns, mignons muguets, se parent et font braves
De clincant et d’or traict.... - ↑ 116. Gauche malheur. Cf. III, 227, Poés. div. ; et IV, 338. Sonnets épigr. :
Des monstres avortez, bastards de la Nature,
Nos peres presagoient quelque gauche malheur. - ↑ 120. Cerchans. Sur cette forme qui est la seule usitée en vieux fr., et qu’Oudin enregistre encore en 1642, cf. Thurot, II, 213.
- ↑ 131. Honteuses pitiez, spectacles qui excitent une pitié mêlée de honte.
- ↑ 133. Tragedie. D’Aubigné oublie en ce moment les vers du Printemps où il se vante d’avoir été acteur dans cette « tragédie », III, 139, Print. :
J’ay aidé, quoy que je die,
A jouer la tragedie
Des François par eux deffaitz ;
Page, soldat, homme d’armes
J’ay tousjours porté les armes
Jusqu’à la septiesme paix.