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XXVI
INTRODUCTION

la transcription d’Aucassin et Nicolette n’avait pas de préoccupations calligraphiques ; son écriture est lourde et la netteté des caractères n’y est pas parfaite ; en particulier, il est souvent difficile de distinguer entre a et o et entre e et o[1]. Par contre, il semble avoir apporté un certain soin à distinguer les u des n et à détacher le jambage de l’i des m, n ou u voisins pour éviter, dans la lecture, des groupements erronés. Il paraît, d’autre part, avoir écrit avec une certaine hâte ; il abrège volontiers et parfois de façon anormale, et il lui est arrivé, au moins une fois, de passer quelques mots (XXVIII 3) ; le trait supérieur qui remplace une nasale après voyelle est employé avec quelque irrégularité[2]. Mais assez souvent, quand il s’est trompé, le copiste a rayé ou surchargé ou corrigé son erreur ; tout en reconnaissant que sa copie n’est pas exempte de fautes, il y a lieu de se souvenir qu’elle n’est pas l’œuvre d’un homme inintelligent et sans soin[3].

La partie du ms. fr. 2168 qui contient Aucassin et Nicolette a été reproduite en fac-similé photographique, accompagné d’une transcription diplomatique, par F. W. Bourdillon.

On trouvera à la Bibliographie une liste des nombreuses éditions d’Aucassin et Nicolette qui se sont succédé depuis 1808 et qui ont donné au texte des aspects assez divers. Jusqu’en 1878, les éditeurs ne transcrivent pas toujours exactement le ms., mais ils ne modifient

  1. Ainsi, II 3, ne a été lu na par Suchier et no par Bourdillon ; IV 5, Suchier lit car plutôt que c’or. Hésitations analogues pour VI 28, cropent ou crapent ; X 15, feroient ou foroient ; XXX 15, roi ou rais ; XXXIV 3, estoit ou astoit ; XXXVIII 5, fille ou filla.
  2. On le trouve marqué à tort sur l’i de Nicolette (III 8, 14), sur l’a de quant (XIV 1, XXXVIII 1) ou sur l’i de remain (XVI 12) où il fait double emploi avec la nasale écrite ; il manque au contraire là ou il serait nécessaire pour marquer la nasile dans en (VI 9, XXVIII 20, mais ce peut-être un trait dialectal), vint (XVIII 2), paiien (XXXVIII 14), faisoient (XX 30), etc. Toutefois, il est des cas où l’absence du trait abréviatif peut être voulue, par exemple pour ig = ing ou pour en dans enondu (X 75).
  3. Une copie, faîte d’après le ms. fr. 2168 pour Lacurne de Sainte-Palaye au milieu du xviiie siècle, est conservée à la Bibl. de l’Arsenal, ms. 2770, f. 72 ro–92 vo ; elle porte de nombreuses annotations de la main de Sainte-Palaye.