Page:Audiat - Bernard Palissy : étude sur sa vie et ses travaux.djvu/136

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pourtant. Ô les doux êtres ! Ne craignez pas. Ils sont tous innocents et placides. La vipère même est de l’espèce la moins méchante. Vous n’y trouverez pas l’ignoble crapaud. Rien de repoussant dans ce monde inférieur.

On a voulu reprocher à Palissy ses choix. Pourquoi prendre des serpents, des grenouilles, des lézards, ces reptiles dont la vue inspire l’effroi et le contact glace d’horreur ? — C’est un blâme que je crois immérité. Le préjugé est vivace, je le sais ; mais tous ces animaux sont très-bénins. La langue à triple fourche de la couleuvre n’a piqué personne. Le lézard ouvre bien la gueule ; efforts impuissants, colère inutile ! Il ne peut même de ses dents émoussées effleurer l’épiderme. La grenouille, mets excellent, n’a dévoré âme qui vive, et si l’écrevisse se nourrit de chair, ce n’est que de viande morte. Quand maître Bernard n’aurait cherché qu’à détruire une sotte croyance, il aurait droit encore à nos remerciements.

Gardons-nous cependant d’ériger cette hypothèse en une théorie absolue. N’allons pas d’un artiste qui s’inspire de son imagination et de son caprice faire un rêveur philanthropique épris de chimères démocratiques, ou du protégé des rois et des grands, qui témoigne en tant d’endroits son mépris pour les « cordonniers, chaussetiers, vieilles gens, » un philosophe humanitaire. « Dans tout ce qu’il choisit, a-t-on dit, Palissy préfère l’humble et le dédaigné... De là cette sorte de sympathie pour ces bannis malheureux que, le premier, il eut la hardiesse de tirer