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tels enseignemens, aurait été son maître. Le monde seul donne la clef de ses mystères.

Dans son ignorance, voilà Bedkandir furieux contre la nature qui ne l’avait point fait bossu. Son dépit lui fit chercher un moyen de le devenir ou du moins de le paraître. Ainsi qu’il avait endossé un habit devant lequel chacun croyait être tenu de le saluer, ne pourrait-il pas se faire une bosse postiche pour qu’on vînt lui parler ? Fier de cette invention, il se crut un génie supérieur ; et l’amour-propre, de tous les flatteurs le plus fertile en trompeuses raisons, se chargea de lui dérober le ridicule de son projet.

Dès le lendemain, ayant placé sous sa robe un énorme coussin, il se rendit de la sorte le bossu le plus lourdement chargé de toute la Perse. Il alla jusqu’à se féliciter de n’avoir pas été aperçu d’abord. « Ils en ignorent mieux comment sont mes épaules, se disait-il ; je suis donc libre de les grossir à ma fantaisie. Leur indifférence me sert ; ils m’ont hier refusé un regard, aujourd’hui je ne les tiendrais pas quittes avec du res-