Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/131

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replie une à une ses flammes, s’étend en braises magnifiques sur toute la largeur du foyer, et tout doucement, se couvre de cendre et s’endort.

C’est l’heure d’aller dormir pour nous aussi ; nous quittons nos sièges et Valère prend la lampe.


Des jours viennent, durent, s’éloignent, et notre vie ainsi que nous l’avions espéré reste faite d’amour, de bonheur et de tranquillité. De plus un miracle s’est accompli, je ne suis plus boiteuse, ou à peine ; quelques lamelles de cuir pour hausser le talon de ma chaussure, une certaine façon de marcher sur la pointe du pied, et le balancement si désagréable s’est changé en une simple raideur du corps que peu de gens remarquent.

C’est moi qui ai voulu cela, afin de passer inaperçue au bras de Valère. Il a cédé pour ne pas me contrarier, car il n’attache aucune importance à mon infirmité :

— Ce qui importe, a-t-il dit, c’est que ton cœur ne soit pas boiteux.

Dans nos promenades par la ville, il nous arrive de nous quereller tout bas. Valère, oubliant que nous ne sommes pas seuls, se penche brusquement vers moi pour un baiser ; je le repousse, lui faisant honte de cette familiarité devant les gens, et surtout devant les enfants dont les yeux étonnés nous suivent. Il rit de mes scrupules, et il me dit :

« Vois comme c’est mal fait ! Si je te battais les enfants auraient le droit de regarder. »


Nous avons un chien. « Rapide ». C’est un grand chien noir et blanc qu’une maladie mystérieuse