Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/226

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ment la porte derrière elle. Mais tout n’était pas fini. Dans sa précipitation, elle avait laissé prendre un peu de son manteau dans la jointure de la porte. Elle tira dessus et donna du poing contre le bois, mais la porte tenait bon. Et avant que j’aie pu l’ouvrir, l’étoffe se déchirait et Clémence descendait l’escalier en courant. Je compris qu’elle partait pour toujours et, sortie à mon tour, j’appelai :

— Clémence !

Ma voix sonna étrangement dans la cage de l’escalier. Il y eut un arrêt dans la descente. Alors, comme si toute la peine de Manine était en moi, je dis plus bas, avec un accent de prière :

— Clémence ! reviens.

Une réponse incompréhensible me parvint et la descente reprit. J’écoutai décroître et se perdre le pas vif. Et, comme je me retournais pour rentrer, j’aperçus, collé au chambranle, le bout d’étoffe que la porte gardait comme un bon chien garde entre ses dents un morceau de l’habit du voleur.

Pour Manine, la nouvelle n’a pas été aussi terrible que je le craignais. Attristée elle a dit : « Clémence en fait à sa tête, nous la reverrons bientôt. »

Nous n’avons pas revu Clémence. Maintenant Manine pleure. Et, pour le cas où sa fille viendrait à rentrer de nuit, elle laisse une petite lampe allumée sur le palier.

Reine, de son côté, commence à donner du souci à sa mère. Elle veut à toute force être infirmière militaire. Elle n’est pas bien grande encore et si frêle qu’il semble qu’un coup de vent n’aurait pas de peine à l’emporter.