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Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/233

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Raymond cède enfin aux caresses et aux promesses de sa mère ; mais à peine vient-il de s’endormir que les sirènes annoncent la venue de la bête étrange. Leurs voix aiguës et graves tout à la fois, s’élèvent en lamentations de détresse et de désespoir :

— Cachez-vous, cachez-vous ! crient ces voix de malheur et d’épouvante ; descendez au plus profond de la terre car la menace est dans l’air.

— Cachez-vous, cachez-vous, car, pour mieux vous tromper la bête a pris la forme d’un oiseau ; mais cet oiseau porte sous ses ailes des œufs pleins de feu qui vont tomber sur vos maisons et les briser comme verre.

Pour mieux se faire entendre les sirènes se sont posées sur les plus hauts toits, jusque sur les tours de Notre-Dame. Elles crient, elles hurlent à perte de voix, mais toujours elles disent :

— Cachez-vous, cachez-vous. Éveillez les enfants, sortez les nouveau-nés de leur berceau, cachez-les dans la poussière et l’humidité des caves, de crainte que la bête méchante ne vienne à broyer et disperser leurs membres délicats…

Nicole affolée tourne avec son enfant serré contre elle. Ses yeux se dirigent avec une rapidité incroyable dans tous les coins de la pièce. Elle se précipite vers la cuisine et en revient avec le même affolement :

— Oh ! dit-elle, si je pouvais le remettre dans mon ventre !

Et elle serre si fort le gros Ni-Jean qu’il se réveille et se met à crier de peur.

Nicole se ressaisit alors, s’assied et tâche de faire