Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


Le désagrément ressenti de mon infirmité ne dura que quelques jours. D’être boiteuse ne pouvait pas m’empêcher de reprendre ma place à la maison, et j’annonçai chez nous la nouvelle de ma guérison avec l’espoir que ma mère allait me rappeler sur l’heure.

La réponse ne m’arriva qu’après un long retard.

« Sois patiente et prends des forces » me disait ma mère. Elle parlait des examens scolaires d’Angèle et de Firmin. Elle parlait d’une foule de choses que je savais déjà, mais de la date de mon retour il n’était pas question dans sa lettre.

Je devins maussade ; l’impatience me prit et j’en arrivai bientôt à dire que j’étais assez grande pour agir à ma guise, et que j’allais partir pour Paris sans attendre l’appel de mes parents.

Oncle meunier n’alla pas contre ma volonté de départ, il me dit seulement :

— Tu n’es pas bien solide encore, et ton travail de là-bas sera dur.

Je me défendis :

— Solide, je le suis puisque je peux aider Manine aux travaux du ménage, et faire des promenades avec la petite Reine sur le bras.

Oncle meunier ne fut pas embarrassé pour trouver d’autres empêchements à mon départ, mais j’eus réponse à tout.

À la fin comme pour vaincre mon entêtement, il me dit :

— Suis-je donc si méchant, que tu sois si pressée de me quitter ?

— Méchant ! Vous ? Oh !

Ce fut là ma seule réponse, car à toute heure je