Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/38

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retrouvais dans ses yeux la même tendresse que dans ceux de ma mère ; et le même sourire sur ses lèvres plus fortes. Et comme, pour le moment, j’apercevais dans son regard et dans son sourire une inquiétude qu’il cherchait à dissimuler, je l’assurai de mon affection et lui promis d’attendre encore.

Tante Rude qui ne se souciait pas plus de ma peine que de ma joie, me chanta une autre chanson :

— Cette année, tu pourrais remplacer Manine chez nous pour les foins et la moisson.

Je la laissais dire pour ne pas l’entendre crier, car à cela j’avais une réponse précise. Les foins et la moisson n’étaient pas mon affaire. Je tenais surtout à remplacer la femme de ménage qui coûtait si cher à mes parents, et soignait si mal les enfants.

Au lieu de l’appel de ma mère ce fut une lettre de Firmin qui arriva. Il disait :

« J’ai encore échoué à l’examen du certificat d’études. Je savais pourtant beaucoup de choses la veille, mais au bon moment j’avais oublié tout. Angèle a réussi, avec félicitations, naturellement. Moi, je suis sûr que l’examen des filles est bien moins difficile que celui des garçons.

« Enfin, nous sommes tous bien contents.

« Maintenant, prépare-toi à une grande nouvelle, si grande, ma grande sœur, que tu ne pourras pas y croire en une seule fois. La voici :

« Maman me charge de te dire que nous arriverons tous au moulin, samedi de cette semaine, à la tombée de la nuit… »

La nouvelle était en effet si grande qu’il me