Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/49

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rapidement possible. En même temps, elle me donnait l’adresse de mon père, et me prévenait qu’il me faudrait dorénavant lui réclamer chaque mois, une somme toute pareille à celle qu’elle nous enverrait elle-même et dont nous avions besoin pour vivre.

Firmin raidi et blême, me remit la feuille de papier, puis il eut un fort balancement et, avant que j’aie pu le retenir, il ferma les yeux et tomba sur la face.

Mes pleurs plus que mes soins le ranimèrent. Il dit, navré :

— Le bonheur était revenu chez nous, le voilà reparti.

Et le front logé au creux de mon bras comme un de nos petits, il laissa longtemps aller son chagrin.

Les jours suivants il cacha sa peine au fond de lui-même, mais sur son visage de jeune garçon, les rides se creusèrent, et dans ses yeux pourtant très noirs on apercevait des choses plus noires encore qui semblaient s’agiter et vouloir s’enfuir.

Il me fallut bien alors dire la vérité à Angèle. Elle ne s’évanouit pas comme Firmin. Elle m’écouta avec un rapide battement des paupières, puis elle tira son chapelet, s’agenouilla devant le lit des jumeaux et, les mains jointes à hauteur de son front, elle pria longtemps.

Nos dimanches de pluie ou de grand froid se passaient chez Mme Lapierre dont la maison était grande et bien chauffée. Angèle qui s’ennuyait dans sa charcuterie venait nous y rejoindre. Et dans la pièce carrelée, où les jumeaux, Clémence et le petit Jean pouvaient jouer à l’aise, nous for-