Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/50

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mions une famille un peu bruyante mais très unie.

Mme Lapierre se trouvait assise sur un siège à haut dossier auquel était accrochées ses béquilles. Elle nous enseignait des jeux, nous apprenait des chansons ou nous lisait des histoires amusantes. L’heure de la quitter arrivait toujours trop tôt à notre gré.

Certains jours de semaine m’apportaient encore de bons moments. C’étaient les jours où oncle meunier m’emmenait couper des branches de coudrier destinées à faire les fourches de la prochaine fenaison. Le choix de ces branches nous prenait beaucoup de temps et nous entraînait souvent loin de la maison, mais au retour, les réponses que préparait oncle meunier, aux reproches prévus de tante Rude, me faisaient rire de si bon cœur que j’en oubliais ma charge et la longueur du chemin.

C’était aussi de l’osier que nous allions couper pour en fabriquer de longs et larges paniers servant à toutes sortes d’usage. Tante Rude n’aimait pas à prêter les siens et il me fallait bien apprendre à faire ceux dont j’avais besoin. Je m’y prenais mal, l’osier sifflait et m’échappait des mains, et mes paniers avaient des formes dont se moquait Manine elle-même. Là encore je retrouvais l’aide d’oncle meunier. Il venait en cachette me retrouver dans le fournil, car tante Rude le grondait à mon sujet :

« Si tu lui fais tout, elle n’apprendra jamais rien. »

L’osier s’assouplissait sans peine sous ses doigts, et j’étais émerveillée de voir son panier fini alors que le mien était seulement ébauché.