Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/87

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Je ne sais quoi dans son geste me fit comprendre qu’il parlait sérieusement. Je cessai de rire, et ma peur du mariage précipita ma réponse :

— Non, je ne sais pas de qui vient cette demande et je ne tiens pas à le savoir, puisque je suis sûre que ce mariage n’aura jamais lieu.

Oncle meunier se tourna tout à fait vers mois et il me dit tout souriant :

— Quelle idée ! Ce garçon t’aime profondément, et comme je sais que tu l’aimes toi-même je ne vois pas d’empêchement…

Je lui coupai la parole :

— Pas d’empêchement ! Oh ! si, il y en a un ; il y en a même un très grand, c’est que j’ai résolu de ne jamais me marier, et je sais bien qu’aucun raisonnement ne me fera changer d’avis.

Oncle meunier rentra son sourire. Il comprenait à son tour que je parlais sérieusement, et il me dit l’air étonné :

— Comment, Annette ! Je croyais au contraire que tu désirais ce mariage. Pourquoi donc ce refus ?

— Pourquoi, oncle meunier !

La violence qui était en moi et dont je n’étais pas toujours maîtresse, me fit répondre d’un seul trait :

— À quoi bon se marier, n’ai-je pas le terrible exemple de mes parents ? Ils s’adoraient, et pourtant leur amour a duré de longues années. Et parce que mon père a rencontré une autre femme à son goût, au lieu de se détourner d’elle comme c’était son devoir il s’est détourné de son ménage et a laissé ses enfants à l’abandon.

Je frappai du poing sur la pierre :

— Non, non, oncle meunier, je ne me marierai