Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/99

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en se levant pour partir il dit à oncle meunier :

— Il faudrait marier cette jeune fille.


Pour Manine il n’est pas besoin de confidences ; une merveilleuse intuition l’avertit du bonheur ou malheur de ceux qu’elle aime. À peine m’étais-je rendu compte de mon propre tourment, que déjà elle m’avait dit : « Si au moins, je pouvais t’aider à sortir de ce guêpier ». En attendant, pour alléger mon ennui, elle m’abandonne presque la petite Reine. « Tu peux la garder, va, elle est à toi autant qu’à moi. »

Lorsque le cœur trop lourd, je m’éloigne de la maison, j’entends aussitôt :

— Reine, cours vite rejoindre Annette.

Et Reine que je ne sais pas renvoyer me prend la main et marche fièrement à mes côtés. Elle me pose mille questions auxquelles je suis bien obligée de répondre, et qui mettent en fuite pour un moment l’amour et ses exigences.

Et puis, comment ne pas regarder Reine courir et sauter sur le chemin. Elle est légère et brillante comme un matin d’avril. Et les oiseaux ne s’enfuient pas à son approche.

Cette petite fille si attentive à ce qui vit autour d’elle n’apporte cependant à l’école aucune attention. Sa maîtresse venue pour s’en plaindre nous a dit :

— Ses yeux sont comme deux papillons bleus qui bougent et se posent de tous côtés.

Ses débuts, surtout, ont été difficiles. Non seulement elle déchirait son alphabet, mais encore elle perdait constamment la craie qui lui servait