Page:Audoux - Douce Lumiere.djvu/166

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chaises, ouvrit des tiroirs, et, malgré sa mère qui la suppliait de rester tranquille, elle recommença de tourner dans la pièce en chantant et faisant des gambades qui entortillaient de façon comique la longue traîne de sa robe dans laquelle ses pieds s’embarrassaient et menaçaient de tout déchirer. À l’arrivée du fiancé, elle prit instantanément l’air d’une petite fille timide et sage, et elle lui dit d’une voix triste :

— Je commençais à m’ennuyer, moi, sous ma moustiquaire !

À cause d’elle, ce jour-là, Églantine oublia de souffrir.

Depuis bien des semaines, Églantine ne prête plus l’oreille vers l’harmonium. Elle commence même d’oublier ce voisin qu’elle ne connaît pas et que sans doute elle ne connaîtra jamais. Cependant, ce soir, tard dans la nuit, elle l’entend soudain parler. Il parle haut et par saccades comme quelqu’un qui se fâche. N’est-il donc plus seul ? Bientôt, derrière la cloison montent des plaintes coupées de silence, et des appels où elle croit distinguer un nom, à travers des supplications de malade qui demande