Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 1.djvu/389

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

où j’ai remarqué l’importance du rôle auquel elles sont destinées. Cependant le mâle est toujours sur ses ailes ; son appel résonne haut et clair, tandis qu’il explore avec impatience la plaine herbeuse au-dessous de lui. Sa compagne n’y est point encore ; le cœur lui défaille, et cruellement déçu, il s’envole sur un noyer noir, à l’ombre duquel, pendant les chaudes journées de l’été, plus d’une fois les faucheurs se sont étendus, pour prendre leur repas et s’abandonner au sommeil de midi. Je l’aperçois maintenant, non pas désespéré, comme vous pourriez le croire, mais vexé et presque furieux. Voyez de quel air il étale sa queue, comme il se redresse et s’agite, comme il exprime bruyamment sa surprise et appelle sans cesse celle que, de toutes les choses au monde, il aime la mieux. Ah ! enfin la voilà ! ses notes craintives et tendres annoncent son arrivée. Celui qu’entre tous aussi elle préfère, son mâle a ressenti le charme de sa voix. Ses ailes sont étendues, il nage dans l’ivresse, il vole au-devant d’elle pour l’accueillir et savourer d’avance tout le bonheur qu’elle lui prépare. Que ne puis-je interpréter les assurances répétées d’amitié, de constance et d’attachement qu’ils se prodiguent en ces précieux instants, se becquetant l’un l’autre et gazouillant leurs mutuelles amours ! Comme le mâle a de doux reproches pour exprimer ce qu’il souffrit de son retard, et comme elle sait trouver de tendres accents pour calmer son ardeur ! Cet ineffable entretien, je l’ai écouté ; cette scène de bonheur, j’en ai été témoin ; mais je me sens incapable de vous les rendre, et je vous dirai comme toujours :