Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/111

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Ne vous étonnez pas, cher lecteur, si je vous dis qu’il en est, et beaucoup, de ces Canards qui ont été élevés sur les lacs, près du Mississipi, ou même sur quelque petit étang, dans les basses terres du Kentucky, de l’Indiana et de l’Illinois ; car maintes fois il m’est arrivé de surprendre, dans ces mêmes contrées, des femelles sur leurs œufs, et de m’emparer des jeunes que la mère, inquiète et précautionneuse, conduisait, pour plus de sûreté, à quelque ruisseau ; et souvent j’en ai tué, de ces pauvres petits, encore incapables de voler, mais si dodus, si tendres et si pleins de jus, que je doute si, comme moi, vous ne leur eussiez pas donné de bien loin la préférence même sur le fameux Canard de la Valisnérie.

Regardez-le, ce beau mâle flottant sur le lac : il redresse sa tête, qui brille d’un vert d’émeraude ; son œil couleur d’ambre étincelle à la lumière ; même de cette distance il vous aperçoit, et il soupçonne que vous n’avez pas de bonnes intentions à son égard, car il voit un fusil dans vos mains, et trop souvent il en a entendu l’effrayante détonation. Aussitôt il ramène ses pieds sous son corps, en détache sur l’eau deux coups vigoureux, ouvre les ailes, pousse quelques bruyants quack, quack, et vous dit adieu.

En voici un autre devant vous, sur le bord de ce ruisseau murmurant. Que ses mouvements sont vifs et légers, comparés à ceux de ses frères qui se traînent si gauchement dans votre basse-cour ! combien ses formes sont plus gracieuses, quel autre lustre sur tout son plumage ! C’est que l’oiseau que vous avez chez vous descend d’une race d’esclaves, et ses facultés natives