Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/16

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coutume, et dont tout le plumage en dessous paraissait d’un blanc magnifique. Trois années de suite, il revint au même marais, à quelques milles de l’embouchure de la rivière Verte, dans le Kentucky ; et chaque fois que je rendais visite à son nid, il se contentait de jeter sur moi un regard du plus profond dédain. Il se tenait droit et menaçant, et quand je me hasardais à quelques pas de son nid, baissant soudain la tête et la secouant comme s’il eût eu le cou disloqué, il ouvrait ses ailes et s’élançait en l’air directement pour m’attaquer. Telles étaient l’audace et la vigueur de ce fier champion, que deux fois il me frappa de son aile au bras droit, et pour un instant je crus qu’il me l’avait cassé. Après chaque effort de ce genre pour défendre sa compagne et son cher trésor, il retournait immédiatement vers eux, passait et repassait sa tête et son cou sur le plumage de la femelle, et reprenait bientôt son attitude de défi.

L’esprit toujours en quête d’expériences, j’entrepris d’adoucir le naturel de ce farouche habitant des eaux, et dès lors ne manquai jamais d’avoir dans les mains plusieurs épis de blé que j’égrenais et jetais devant lui. Les premiers jours, il se montra inflexible ; mais je réussis enfin, et une semaine ne s’était pas écoulée, que le mâle et la femelle venaient manger le blé jusque sous mes yeux. Cela me fit beaucoup de plaisir ; et en répétant journellement ma visite, je parvins à les apprivoiser, si bien qu’avant la fin de l’incubation, ils me laissaient approcher à quelques pas, sans permettre néanmoins que je les touchasse. Je voulus essayer ;