Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mais chaque fois, le mâle m’appliqua sur les doigts de si furieux coups de bec, qu’il me fallut y renoncer. La beauté rare et l’ardeur de ce mâle me donnaient grande envie de m’en emparer. J’avais noté l’époque probable où les petits devaient éclore ; la veille, j’amorçai avec du blé un large espace que j’entourai d’un filet, et me tins en embuscade. Quand je le vis entré dedans, je tirai la corde et le fis ainsi prisonnier. Le lendemain matin, comme la femelle allait pour conduire ses petits à la rivière distante d’un demi-mille, je les pris tous, ainsi que la mère, qui était venue jusque sous ma main, cherchant à en sauver un du moins de sa pauvre famille. Je les emportai chez moi et dus recourir à un expédient assez cruel pour les empêcher de s’échapper : avec des ciseaux, je leur rognai à chacun le bout de l’aile, puis les lâchai dans le jardin, où j’avais fait creuser une petite pièce d’eau. Pendant plus de quinze jours, les deux vieux restèrent tout effarouchés, et je craignis même qu’ils n’abandonnassent le soin des jeunes ; cependant, à force d’attention, j’eus la joie de pouvoir les élever, en leur fournissant en abondance des larves de locustes dont ils sont très friands, ainsi que de la farine de blé trempée dans l’eau ; et toute la famille, se composant de onze individus, finit par prospérer. En décembre, le froid étant devenu très vif, je remarquai que le mâle battait fréquemment des ailes et poussait un cri aigu, auquel la femelle d’abord et ensuite chacun des jeunes répondaient l’un après l’autre ; et que tous ensemble, se mettant à courir vers le sud, aussi loin que s’étendait leur prison, ils faisaient