Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/303

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leur excessive, et nous demeurâmes plusieurs jours dans cette immobilité désespérante. Une semaine s’écoula ; nous avions enfin perdu le fort de vue, quoique le capitaine m’assurât que, pendant tout ce temps, notre navire avait rarement obéi au gouvernail. Les matelots sifflaient après le vent et tendaient les mains dans toutes les directions, pour tâcher de sentir quelque mouvement dans l’air ; mais tout cela n’y faisait rien : le calme était d’un plat à nous faire croire qu’Éole et Neptune s’étaient donné le mot, pour éprouver notre patience ou nous retenir jusqu’à ce que la liste de nos divertissements fût épuisée. Des divertissements, ai-je dit ? à la vérité, nous n’en manquions pas, soit à bord, soit autour du vaisseau. Et pour vous faire passer le temps, à vous-même, cher lecteur, je ne puis rien imaginer de mieux que de vous donner une idée de nos distractions, durant cet accès de sommeil de l’élément qui nous retenait sous ses lois, et dont le caprice nous empêchait, pour le moment, de continuer notre voyage vers la joyeuse Angleterre.

Des troupes de superbes dauphins glissaient près des flancs du vaisseau, étincelant comme l’or bruni à travers la lumière, et semblables en éclat aux météores de la nuit. Le capitaine et ses matelots étaient habiles à les surprendre avec l’hameçon, non moins qu’à les percer d’un instrument à cinq pointes qu’ils appelaient pique ; et moi aussi je prenais plaisir à cet amusement, d’autant plus que j’y trouvais une occasion d’observer et de noter quelques-unes des habitudes de ce beau poisson, en même temps que celles de plusieurs autres.