Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/305

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leur ennemi subtil et affamé les suivait à vue, comme un lévrier, et par une suite de sauts de plusieurs pieds il a bientôt rejoint quelque malheureux retardataire, qu’il saisit juste au moment où il retombe.

Les dauphins se témoignent les uns aux autres une sympathie vraiment remarquable : du moment que l’un d’eux est pris à l’hameçon ou à la pique, tous ceux de sa société s’approchent de lui et l’entourent, jusqu’à ce qu’on l’ait enlevé sur le pont. Alors ils s’éloignent ensemble, et aucun ne veut plus mordre, quelque chose qu’on leur jette. Cela cependant n’a lieu que lorsqu’il s’agit de gros individus qui se tiennent à part des jeunes, comme on l’observe dans plusieurs espèces d’oiseaux. Au contraire, si vous avez affaire à une troupe de petits dauphins, ils resteront tous sous l’avant du vaisseau et continueront de mordre, l’un après l’autre, à toute sorte de ligne, comme empressés de voir, par eux-mêmes, ce qu’est devenu le camarade qu’ils viennent de perdre ; et de cette manière, ils sont souvent tous capturés.

N’allez pas supposer que le dauphin soit sans ennemis : qui donc, en ce monde, homme ou poisson, peut se vanter de n’en pas avoir, et plus qu’il ne voudrait ? Souvent, au moment même où il se croit sur le point d’avaler un beau poisson, qui n’est qu’un morceau de plomb autour duquel on a laissé flotter quelques plumes pour lui donner l’air d’un poisson volant, il se sent pris et coupé en deux par l’insidieux balacouda[1] ; moi-

  1. C’est, sans doute, la Sphyrœna barracuda, de Cuvier et Valenciennes, quelquefois appelée Bécune. On la dit plus dangereuse