Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/36

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suivi d’une vingtaine d’autres, tous avides de la riche proie. Le plus agile l’a bientôt engloutie ; et les camarades, sans plus de contestation, retournent à leur poste, où ils se croient eux-mêmes bien en sûreté ; mais, hélas ! le poisson-soleil n’est pas plus sans ennemis, dans ce bas monde, que le papillon ou qu’aucune autre créature. Ainsi l’a voulu la sage Nature, évidemment pour recommander à tous les êtres l’industrie et la prudence, sans lesquelles on ne peut recueillir, dans leur plénitude, les avantages de la vie.

Là-bas, sur l’écluse du moulin, se tient fièrement l’intrépide pêcheur. Le pantalon retroussé jusqu’aux genoux, et sans penser au danger de sa position, il prépare ses engins destructeurs. Son hameçon bien affilé, et préalablement assujetti à sa ligne, disparaît dans le corps d’un ver ou d’une sauterelle ; son œil expérimenté remarque, dans le fil du courant, chaque léger bouillonnement des eaux ; et ayant observé la pointe d’un roc qu’elles recouvrent à peine, c’est là que, d’un mouvement mesuré et sûr, il lance son appât qui flotte un moment, puis s’enfonce. Lentement il lâche de sa ligne, lorsqu’une secousse soudaine l’avertit qu’un poisson vient de mordre. Alors il tire à lui la corde qu’il enroule sur un moulinet. Par trois fois, le pauvre poisson fait un effort désespéré ; enfin, épuisé et pantelant, il se laisse amener à fleur d’eau ; le pêcheur n’a plus qu’à mettre la main dessus, ce qui est aussitôt exécuté ; et le traître appât, sur-le-champ renouvelé, ramène bientôt une autre victime. La pêche peut durer une heure ou plus, et presque à chaque minute, un