Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/465

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d’un œil désespéré, chaque mouvement de la fragile embarcation. Tantôt je la vois balancée sur la crête d’une vague qui roule en mugissant et la couvre d’écume ; tantôt elle disparaît dans les profondeurs de l’abîme. Cependant le petit équipage n’a rien perdu de son calme et de son énergie : mon fils, debout, gouverne au moyen d’un long aviron, et Lincoln s’occupe à vider l’eau qui les gagne ; car, à chaque instant, les lames jaillissent par-dessus l’avant. Enfin, ils approchent ; on leur lance une corde qu’ils peuvent saisir ; et quelques minutes après, tous six étaient sains et saufs sur le pont ; le timonier virait de bord, et le schooner filait à toute vitesse, la proue tournée vers le Labrador.

Lincoln et mon fils n’en pouvaient plus ; quant aux rameurs, ils demandèrent double ration de grog. Ils rapportaient quantité d’œufs de diverses espèces, avec des oiseaux ; et ils nous dirent que partout où, sur le roc, l’espace avait manqué pour un nid de Fou, un ou deux guillemots avaient établi le leur ; et que sur les rebords en dessous, il ne se trouvait pas une seule place qui ne fût blanche de Mouettes et de Goëlands. La détonation de leurs armes à feu n’avait produit d’autre effet, parmi eux, que de faire tomber à l’eau ceux qui étaient tués ou mortellement blessés. Quant au bruit des explosions, les cris de ces multitudes dominaient tout. Les habits de nos gens étaient couverts d’une fiente nauséabonde ; et c’était en se précipitant à la hâte hors de leurs nids, que les malheureux oiseaux avaient fait dégringoler les œufs dont quelques-uns avaient été ramassés sans être brisés. Il paraît qu’autour du rocher