Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/477

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mise au courant de la querelle. Cependant les jours s’écoulent, la patiente mère, pour tenir plus chaud son œuf unique, s’arrache quelques plumes d’autour la gorge ; dans les heures où le soleil luit, elle étale celles qui lui recouvrent le dessus du corps, et passant son bec le long du tuyau, elle les nettoie et détruit les vils insectes qui y pullulent. Qu’un vent impétueux s’élève ou qu’un froid brouillard vienne à voiler la beauté du jour, aussitôt elle resserre autour d’elle les bords de sa couche et s’y enfonce plus avant ; s’il pleut, elle se place de manière à empêcher l’eau de pénétrer dans son ménage. Qu’elle est heureuse, lorsque son œil attentif peut découvrir au loin, dans la foule, son mâle affectionné qui revient de la pêche, le bec chargé, et qui lui aussi l’a déjà reconnue, parmi ses mille compagnes, toutes également inquiètes et guettant le retour du bien-aimé ! Mais le voilà qui doucement se pose à côté d’elle et lui présente le morceau qu’elle préfère ; il échange avec elle de tendres caresses, puis déployant de nouveau ses ailes, il repart pour donner la chasse à quelque banc de harengs. Enfin la coquille s’entr’ouvre, et un nouvel être en sort en rampant. Hélas ! le pauvre petit est tout noir ! quel étrange contraste avec le blanc si pur de la mère ! Cependant, elle l’aime tel qu’il est, avec tout le dévouement des autres mères. Pleine d’angoisse, elle épiait son éclosion ; et maintenant elle n’a d’autre souci que de le nourrir. Mais il est encore si frêle, qu’elle préfère attendre un peu avant de lui présenter l’aliment. Toutefois le moment propice est bientôt venu : avec quels soins extrêmes elle l’entretient