Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/505

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Ses tuyaux, dont je me suis servi pour dessiner les pieds et les griffes de presque tous mes petits oiseaux, avaient une pointe si dure et pourtant si flexible, que la plus fine plume d’acier fabriquée de nos jours aurait fait triste figure, si elle avait dû leur être comparée.

Il y a déjà nombre d’années, dans une expédition entreprise à la recherche des fourrures, mon associé et moi (car j’en avais alors un dans mon commerce), nous nous étions établis en campement sur le Tawapatee-Bottom. Après avoir amarré notre bateau à l’abri sous la rive orientale du Mississipi, nous avions fait mettre à terre tout notre bagage. L’équipage se composait de douze à quatorze Canadiens français, tous excellents chasseurs ; et comme en ce temps-là il y avait du gibier à foison, daims, ours, ratons, opossums suffisaient et au delà à nos besoins ; dindons sauvages, tétraos et pigeons pendaient accrochés de toutes parts autour de nous, et les lacs gelés nous procuraient un ample supplément de poissons délicieux : pour en prendre, il s’agissait tout simplement de donner un fort coup de hache juste au-dessus de l’étroit espace où chacun d’eux était emprisonné ; puis, en faisant un trou dans la glace, nous n’avions plus qu’à les en retirer. Le courant même du large fleuve était si solidement pris, que chaque jour nous étions dans l’habitude de passer d’un bord à l’autre. Tous ces détails qui me charment encore, je m’en souviens comme s’ils ne dataient que d’hier. Dès qu’à travers le crépuscule grisâtre on commençait à distinguer les sombres voiles de la nuit, le cri retentissant de centaines de Cygnes éclatait à notre oreille ; et