Page:Audubon - Scènes de la nature, traduction Bazin, 1868, tome 2.djvu/60

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fermée l’air de la nuit ; et les feuilles des herbes, agitées par une molle brise, laissent tomber les gouttes pesantes de la rosée. Cependant, les guillemots se sont rétablis sur l’île et renouvellent leurs caresses et leurs amours. Surpris par l’éclat du jour, l’un des pirates se réveille en sursaut et secoue ses camarades qui regardent autour d’eux, étonnés et comme ne sachant plus où ils sont. Voyez-les, ces dégoûtants coquins, s’essuyer les yeux de leurs sales doigts ; lentement ils se mettent sur leurs jambes, se détirent, et leurs mâchoires, en bâillant, semblent se disloquer… Vous reculez ! c’est qu’en vérité cette bouche et ce gosier feraient peur à un requin !

Mais le chef, se rappelant que tant d’œufs valent au moins un dollar ou une couronne, jette un coup d’œil du côté du roc, marque le jour dans sa mémoire, et donne les ordres pour le départ. La brise légère les pousse vers un autre port, à quelques milles plus loin, et qui, comme le premier, est également caché et défendu contre l’Océan par une île et des rochers. Là recommence dans tous ses détails la scène de la veille ; et, pendant une semaine entière, chaque nuit se passe ainsi, pour eux, dans la crapule et l’ivrognerie. Enfin, ayant atteint la dernière station où ils espèrent trouver des oiseaux, ils reviennent par la même route, touchent successivement à chaque île, massacrent autant de ces pauvres êtres qu’il leur convient, et font provision d’œufs frais jusqu’à en avoir une cargaison complète. À chaque pas, ces misérables ramassent un œuf si beau que c’est pitié, surtout quand on sait pour quel motif