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Porche roman.

Ses arcs sont superposés, et l’ordonnance de ces superpositions est sculptée de motifs très simples, de dessins presque enfantins. Il n’y a pas de sujet. Ce sont des moulures ornées. Pour presque tout le monde c’est sans intérêt, négligeable, grossier.

Quelle erreur ! Nous ne ferions plus cela !… Cela, c’est comme si on entendait Eschyle ou Homère lui-même.

Nous prétendons, je le sais, mettre dans nos complications plus d’esprit qu’il n’y en a dans cette œuvre « barbare ». Mais cette œuvre barbare a un accent sublime.

Nous nous trompons.

Les anciens se préoccupaient de déterminer des masses d’ombres, puis les trouaient et les ornaient selon le but. Nous, nous ciselons des ornements étrangers à toute ligne générale ; cela n’entre pas dans le grand torrent d’harmonie. Le plan est à leurs yeux, qui voient juste, l’affaire principale ; c’est pourquoi, chez eux, il est toujours très beau. Il engendre des ombres mérovingiennes, violentes et fortes, rudes et sauvages.

C’est tout l’art grandiose du Roman. C’est la géométrie du beau. Les époques que nous persistons à traiter de barbares possédaient cette tradition des sciences. Nous l’avons perdue.

Le Roman est le père des styles français. Plein de réserve et d’énergie, il a produit toute notre architecture. C’est encore et toujours à son principe que l’avenir devra penser. Ce style, œuf qui contenait le germe de la vie, fut parfait dès sa phase primitive, et la corne d’abondance n’est pas épuisée : elle est inépuisable.

Le Roman vient du Romain. Il a conservé cette discipline, que les Romains tenaient sans doute des Grecs, et ceux-ci des Égyptiens. Cette discipline, colonne vertébrale de tout art viable, est une géométrie puisée aux sources primitives, dans la nature, dans ses lois. Elle s’est conservée jusqu’à nous pour que nous puissions un jour nous ressouvenir…

Mais quand donc cesserons-nous d’insulter au passé, nous qui avons misérablement perdu ses vertus magnifiques ? Nous ne savons plus, en