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histoire de saint augustin.

pas elle. Le plus souvent il s’agit donc pour nous d’interroger, d’étudier, d’apprécier la correspondance d’Augustin et ses ouvrages si nombreux. C’est là un rude labeur, et, pour que la plume ne tombe pas de nos faibles mains, nous avons besoin de nous redire à nous-même que, jusqu’à ce jour, la grande figure d’Augustin n’a pas été suffisamment mise en lumière, que son œuvre si grande et si forte n’a point été encore montrée tout entière aux regards de la multitude des lecteurs, et que notre travail, où se découvrent les origines, les bases, le vrai caractère de la religion chrétienne, pourra être de quelque utilité aux esprits studieux, aux cœurs portés vers les choses divines.

Crispinus, évêque donatiste de Calame, avait acquis le domaine de Mapale ou Mapalie[1], auprès d’Hippone, et fait rebaptiser de force quatre-vingts catholiques de ce lieu. Augustin en fut affligé ; il aurait eu le droit de soumettre Crispirius à l’amende de dix livres d’or, portée par un édit de l’empereur Théodose, mais il aima mieux lui écrire[2], pour lui inspirer la crainte de Dieu, au lieu de la crainte des puissances de la terre. Qu’aurait à répondre l’évêque donatiste si Jésus-Christ lui disait : Quoi ! Crispinus, vous estimez plus ce qui est sorti de votre bourse, pour réduire vos paysans à se laisser rebaptiser, que ce qui est sorti de mon flanc pour laver et baptiser toutes les nations du monde ! — Augustin propose à Crispinus des moyens pour rendre aux consciences leur liberté. Il suffira d’une discussion entre lui et l’évêque donatiste ; cette discussion sera traduite en langue punique pour que les paysans de Mapale la comprennent ; on les affranchira de toute crainte vis-à-vis de leur nouveau maître, et puis ils choisiront librement le parti qui leur paraîtra le meilleur. Crispinus fera observer peut-être que les paysans ne seraient pas en état de comprendre la moindre de ces questions ; mais alors pourquoi a-t-il abusé de leur simplicité pour les enrôler dans la communion des donatistes ? Si, au contraire, ils sont capables de comprendre, ils se décideront de leur plein gré, après avoir entendu les deux évêques. Augustin prévoit l’objection de quelques pauvres donatistes, forcés par leurs maîtres de passer dans la communion catholique ; il propose de leur donner le moyen de se prononcer en toute liberté et avec connaissance de cause. Les donatistes fuyaient toujours l’épreuve d’une discussion ; Crispinus n’accueillit point la proposition de l’évêque d’Hippone.

Nous trouvons Augustin au concile de Carthage, tenu le 13 septembre 401. On s’y occupa de discipline ecclésiastique ; ces sortes de questions revenaient toujours dans les grandes assemblées catholiques ; à chaque abus, à chaque désordre qui se produisait, on opposait d’utiles règlements. Il fut défendu, dans ce concile, à tout évêque, d’élever à la cléricature un moine qui ne serait pas de son diocèse, ou de le nommer supérieur d’un de ses couvents. Le sujet le plus important du concile fut la question des donatistes ; on examina par quelle voie on pourrait opérer leur retour. Augustin, qui s’était placé à la tête de cette polémique, fut sans doute celui de tous les évêques dont les avis réunirent le plus de suffrages.

L’évêque d’Hippone défendit la même année (401) l’honneur du mariage[3] et l’honneur de la virginité[4] contre les attaques de Jovinien, ce moine hérétique, qui faisait la guerre à la morale, comme pour justifier les désordres de sa vie. Dans son ouvrage sur le mariage, Augustin fait voir tout ce qu’il y a de social, de religieux et de providentiel dans l’union légitime de l’homme avec la femme, et en même temps il trace aux époux leurs devoirs. Dans son ouvrage sur la virginité, il montre la haute dignité des vierges dont Marie est le modèle divin, et leur prescrit particulièrement la vertu de l’humilité. Pour qu’elles soient dignes de suivre partout l’Agneau dans les célestes demeures, il faut qu’elles marchent ici-bas sur les traces de celui qui disait : « Les renards ont leurs tanières, les oiseaux du ciel ont leurs nids, mais le fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête. »

Dans l’année 400, Augustin, se trouvant de passage à Constantine avec Alype et Fortunat, on lui avait apporté une lettre de Pétilien, évêque donatiste, adressée à ses prêtres. Ce Pétilien, né à Constantine, de parents catholiques, s’était montré au barreau avant d’entrer à l’Église ; les donatistes, ardents au prosélytisme, l’enlevèrent lorsqu’il était catéchumène catholique, le baptisèrent et l’ordonnèrent prêtre malgré lui. Pétilien n’était pas sans ta-

  1. Mapalia est un mot punique passé dans la langue latine, et qui signifie huttes ou cabanes. Salluste emploie ce mot pour désigner les demeures des paysans de Numidie.
  2. Lettre 66.
  3. De bone conjugali liber unus.
  4. De sancta virginitate liber unus.