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chapitre dix-huitième.

inutilement de se frayer un chemin : à leurs pieds, les sentiers et les routes se croisent en sens contraires, mais nulle voie n’est ouverte sur leurs flancs. Nous sommes ainsi condamnés à nous traîner en bas, dans les mille chemins divers, jusqu’à l’heure où, la foi nous donnant des ailes, nous pouvons atteindre d’un bond les plus grands sommets.

Dans l’appréciation des ouvrages d’Augustin appartenant à l’année 400, nous n’avons pas cité encore la plus importante de ces compositions, l’immortelle peinture du cœur humain, appelée Confessions. Nous avons puisé dans cette œuvre des faits et des couleurs pour mettre rapidement sous les yeux de nos lecteurs la jeunesse du grand penseur catholique ; mais il y a quelque chose de plus qu’une confession dans ce prodigieux monument de l’humilité et du génie d’Augustin. Après qu’il a raconté la mort de sa sainte mère, Augustin ne raconte plus rien ; c’est à ce sépulcre, creusé à l’embouchure du Tibre, qu’il termine sa propre histoire. Alors commencent des considérations sur les facultés de l’homme, sur les merveilles de la mémoire ; un examen de conscience, plein de vues profondes au sujet des trois vices ou passions : volupté, curiosité, orgueil Nous trouvons d’ardentes prières à Dieu, pour comprendre les saintes Écritures, ce firmament étendu au-dessus de l’homme ; nous trouvons des recherches tour à tour ingénieuses, hardies et sublimes, sur la nature du temps et le caractère de l’éternité. La première moitié de l’ouvrage est l’histoire de l’âme humaine, cherchant la vérité et le bonheur loin de Dieu, et ne trouvant enfla la vérité et le bonheur qu’en Dieu. Le dernier tiers du livre des Confessions égale, s’il ne le surpasse, tout ce que la philosophie a produit de plus élevé, de plus profond. À notre avis, jamais l’infini de Dieu et les abîmes de l’homme n’ont été scrutés avec plus de pénétration et de force, et la beauté transparente du langage est toujours digne de la grandeur des pensées. Le vol de l’aigle africain devient quelquefois si audacieux, que nous ne le suivons plus qu’avec une sorte d’épouvante ; il nous conduit à des hauteurs devant lesquelles on sent de l’effroi, comme à l’approche de la majesté de Dieu. Ceux qui ont beaucoup lu Bossuet reconnaîtront que le grand évêque de Meaux avait soigneusement étudié le grand évêque d’Hippone dans ses Confessions. L’Élévation sur les Mystères, cette œuvre capitale du génie de Bossuet, nous semble avoir son idée première, son germe magnifique dans plusieurs chapitres de la seconde moitié des Confessions, comme le Discours sur l’Histoire universelle est né de la Cité de Dieu, dont nous parlerons plus tard. Le livre des Confessions, écrit dans le pays d’Afrique, aux dernières lueurs de la civilisation romaine, excite la surprise et nous apparaît comme un tour de force du génie. C’est à la fois un beau poème, une belle histoire, un beau traité de philosophie. Nous croyons qu’un homme véritablement intelligent, quel qu’il pût être, pourvu qu’il fût sincère, ne pourrait pas lire et méditer ce livre sans devenir chrétien. Nous n’ajouterons rien de plus sur un ouvrage que tout le monde a lu.




CHAPITRE DIX-HUITIÈME.




Crispinus de Calame. — Concile de Carthage en 401. — Les livres sur le Mariage et sur la Virginité. — Les trois livres contre Pétilien. — Le livre de l’unité de l’Église. — Saint Augustin échappe par miracle aux circoncellions. — Pammachius.

(401-404.)

L’historien de saint Augustin a peu d’événements à raconter. Sa principale tâche est de faire connaître l’homme et ses œuvres, les doctrines et le mouvement d’idées dont l’évêque d’Hippone était devenu le centre admirable, et les différentes opinions religieuses qu’il fut obligé de combattre afin de dégager la vérité chrétienne et catholique de ce qui n’était