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histoire de saint augustin.

tife d’Hippone. Après la conférence dont il avait été l’âme, l’inspiration et la gloire, il ne recula devant aucun soin, aucune fatigue, pour que les populations égarées recueillissent les fruits de la vérité. Un pareil retour, une telle révolution dans les mœurs et les habitudes ne pouvait s’accomplir soudainement ; il fallut des années : le bienveillant génie d’Augustin présida à cette reconstruction morale. La victoire des catholiques à Carthage fit pousser un dernier cri de haine aux circoncellions ; la vengeance arma leurs bras ; un prêtre fut tué à Hippone. Augustin eut la sainte joie de voir tomber peu à peu le mur de mensonge qui tenait la moitié de l’Afrique séparée de la foi chrétienne ; l’unité évangélique se refaisait, la justice et la paix se donnaient le baiser divin, la grande famille chrétienne de l’Afrique se reconstituait : on se retrouvait frères après un siècle de division ! Et cette union magnifique était surtout l’œuvre d’Augustin ! Jamais un plus grand bien n’honora les efforts d’un homme. C’est ainsi que l’Église d’Afrique monte avec Augustin au plus haut point de sa gloire.




CHAPITRE VINGT-HUITIÈME.




Consolations à Proba. — Histoire de Firmus. — Le livre sur le Don prophétique des Démons. — Lettres à Volusien et à Marcellin. — Intercession de saint Augustin en faveur des donatistes.

(411-412.)


L’Orient était couvert des débris du naufrage de l’empire romain. On sait quels furent les gémissements de saint Jérôme en apprenant les calamités des bords du Tibre, et avec quel soin pieux il recueillit en Palestine les vivantes ruines échappées aux barbares[1]. L’Afrique semblait être un sûr asile ; elle avait vu arriver un grand nombre de fugitifs emportant avec eux les biens qui leur restaient. Le temps n’était plus où la fierté romaine ne pouvait supporter des revers, où le cœur se brisait à la vue des maux de la patrie, où, loin d’elle, tout paraissait amer et triste, tout paraissait indigne d’amour. La plupart des Romains fugitifs ne songeaient qu’à demander des joies aux trésors qu’ils avaient pu dérober à la conquête ; ils s’en allaient promenant leurs vices, ces vices dont Salvien[2] nous fait une si énergique peinture. L’ombre de leurs ancêtres généreux eût bien souffert envoyant des enfants de Rome, après la chute de la patrie, se précipiter dans les plaisirs, et remplir de leurs transports joyeux les théâtres de Carthage ! Le peuple romain meurt et il rit, disait Salvien[3]. Ceux qui portaient dignement le poids du malheur ne se rencontraient que parmi les chrétiens ; les pensées éternelles leur avaient donné la mesure des douleurs humaines ; ils se consolaient de leurs désastres avec un crucifix à la main, et ce sont ceux-là qui représentaient le plus noblement Rome tombée.

Comme la cupidité rongeait les âmes, les chefs politiques devaient en être particulièrement atteints ;. Héraclien, ce maître de l’Afrique, qui obtint son poste pour avoir rempli à l’égard de Stilicon le rôle de bourreau, et qui donnait l’exemple de toutes les turpitudes, vendit cher sa protection aux fugitifs romains. Il leur fit regretter plus d’une fois de ne s’être pas résignés à la domination des Goths. Augustin dont le crédit était presque aussi grand que sa charité, intervint souvent pour défendre les faibles et soutenir leurs droits, mais que peut la plus sublime et la plus sainte influence sur un cœur tombé trop bas ? Les consolations religieuses de l’évêque et ses conseils avaient une plus irrésistible efficacité que ses prières aux grands, il ne les refusait à personne. En 411, Augustin écrivait à une des victimes de la cupidité d’Héraclien, à Proba, surnommée Fal-

  1. Voir notre Histoire de Jérusalem, t. ii, chap. 25 et 26.
  2. De la Providence.
  3. De la Providence, livre vii.