Aller au contenu

Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome I.djvu/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
156
histoire de saint augustin.

Dieu, qui est la lumière de l’homme intérieur, nous aide à accomplir le bien. Nous lui disons avec le psalmiste : « Donnez-moi l’intelligence pour que j’apprenne vos commandements[1]. » Ceux qui, confiants dans leur libre arbitre, dédaignent la prière, sont plus enténébrés que le pharisien fier de ses bonnes œuvres et de sa perfection, mais qui rendait au moins grâce au Seigneur de ne l’avoir pas fait comme le reste des hommes. Le pharisien ne souhaitait rien de plus pour son avancement dans la justice ; cependant, par ses actions de grâces, il avouait qu’il avait tout reçu de Dieu.

L’évêque d’Hippone, examinant la question de l’impeccabilité de l’homme ici-bas, établit la différence entre pouvoir ne pas pécher et ne pas pécher. Augustin avoue que l’homme, par son libre arbitre et avec la grâce de Dieu, pourrait ne pas pécher ; mais il ne pense pas que cela arrive. « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous trompons nous-mêmes, et la vérité n’est point en nous. » Ainsi parlait saint Jean dans sa première épître[2]. « Il n’y a personne de pur, disait Job, non pas même celui qui n’aura vécu qu’un jour. » On voit sur la terre des hommes justes, grands, prudents, continents, miséricordieux, supportant avec calme les maux du temps, mais ils ne sont point sans péché, et parmi eux il n’en est pas un qui ne songe à recourir à la prière.

Les adversaires invoquaient à leur appui les paroles où le Sauveur veut que nous soyons parfaits, comme notre Père céleste est pariait, et les paroles où le grand Apôtre nous dit qu’il a combattu un bon combat, gardé la foi, achevé sa course, et qu’il lui reste la couronne de justice. Augustin montre avec évidence qu’on ne peut pas conclure de ces passages qu’un homme soit sans péché. Il ajoute que l’homme pourrait mener une vie exempte de faute, mais que l’homme ne le veut pas. L’ardeur de nos désirs se mesure sur la conviction plus ou moins vive où nous sommes que l’objet de nos désirs est un bien. L’ignorance et la faiblesse nous empêchent d’accomplir le bien et de nous abstenir du mal. C’est la grâce de Dieu qui nous révèle ce que notre infirmité nous cache ; elle nous fait trouver une délectation à ce qui ne nous charmait pas auparavant. Il n’est pas de faute humaine dont la cause puisse remonter à Dieu. C’est l’orgueil qui est la cause de tous les vices humains. Pour guérir l’orgueil de l’homme, un Dieu humble est descendu miséricordieusement vers lui. Augustin, dans le deuxième livre, pose les fondements de cette doctrine de la grâce, qui est restée la doctrine de l’Église, savoir que toute bonne volonté est un don de Dieu ; que chacune de nos bonnes œuvres est une inspiration de Dieu ; il parle de la délectation victorieuse[3] par laquelle nous sommes déterminés à l’accomplissement du bien. Cette doctrine de la grâce, soutenue et développée avec tant de puissance par l’évêque d’Hippone, appartient d’ailleurs à saint Paul, qui disait : « Qu’avez-vous, que vous ne l’ayez reçu ? Si donc vous l’avez reçu, pourquoi et vous en glorifiez-vous, comme si vous ne l’aviez pas reçu[4] ? »

Augustin explique comment nous sommes morts en Adam et comment nous sommes appelés à ressusciter en Jésus-Christ, et revient avec des formes nouvelles sur des idées déjà exprimées dans le livre précédent. Les ennemis de l’Église disaient : « Si la mort du corps est arrivée par le péché, nous ne devrions plus mourir après la rémission des péchés que le Rédempteur nous a accorée. » Augustin répond qu’après la rébellion primitive, l’homme ayant été condamné à manger son pain à la sueur de son front sur une terre qui produirait des ronces et des épines, et la femme ayant été condamnée à enfanter dans la douleur, il faudrait donc se demander aussi pourquoi, après la rémission des péchés, le travail subsiste encore, la terre produit encore des épines, et la femme continue à enfanter dans la douleur ; mais là ne se borne pas la réponse du grand docteur. Il dit qu’avant la rédemption ces peines-là furent les supplices des pécheurs, et qu’après la rédemption elles sont les combats et les épreuves des justes. Quant à la mort, la rémission des péchés nous aide à triompher de sa grande terreur ; la mort nous a été laissée pour être l’occasion d’une lutte glorieuse. Si c’était peu de chose que de vaincre avec la foi la terreur de la mort, la gloire des martyrs ne serait pas aussi grande, et le Sauveur n’aurait pas dû dans son Évangile : « Personne ne peut avoir un plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis[5]. » C’est là une belle manière de montrer pourquoi, après la réparation de

  1. Ps. CXVIII, 73.
  2. Chap. I, 8.
  3. Victricem delectationem. De mer. et remis. peccat., lib. II, num. 32.
  4. Corinth., I, IV, 7.
  5. Saint Jean, chap. XV,13.