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chapitre trente-sixième.


CHAPITRE TRENTE-SIXIÈME.




Conciles contre les pélagiens et décrets d’Innocent Ier. — Les quinze livres sur la Trinité. — Les cent vingt-quatre traités sur l’Évangile de saint Jean, et les dix traités sur la première Épître de cet apôtre.

(416.)


L’Église d’Afrique a beaucoup fait pour le christianisme, mais sa plus grande gloire est d’avoir signalé d’abord et vaincu ensuite le pélagianisme. Sentinelle de l’univers catholique, l’Afrique avertissait de l’approche de l’ennemi, le reconnaissait malgré ses déguisements et ses ruses, et, ne se bornant pas à crier : Aux armes ! elle triomphait elle-même des attaques dirigées contre la gloire de Jésus-Christ. Le génie et le zèle de l’Église africaine dans la guerre pélagienne se sont personnifiés dans Augustin, à qui l’ange de la foi chrétienne semblait redire ses plus sublimes secrets.

Nous avons eu occasion de faire remarquer les différences de caractère entre Célestius et Pélage, l’un net et hardi dans sa doctrine, l’autre enveloppant son erreur de finesses perfides et de détours menteurs. Aussi le concile de Carthage de 411 n’eut pas de peine à atteindre la pensée de Célestius et à le convaincre d’hérésie. Il n’en fut pas de même de Pélage dans les assemblées de Jérusalem et de Diospolis ou Lydda, la première à la fin de juin 415, la seconde au mois de décembre de la même année : à force de réticences, de tortuosités et de défaites, le novateur échappa à une condamnation. D’ailleurs la réunion à Jérusalem, que nous ne voulons pas appeler un concile et dont aucun acte ne fut écrit, avait pour président l’évêque Jean, peu porté à favoriser les adversaires de Pélage et plutôt disposé à faire pencher la balance contre eux. Orose, qui eut la double gloire d’être l’ambassadeur de l’Église d’Espagne auprès d’Augustin et l’ambassadeur d’Augustin auprès de Jérôme, se présenta dans l’assemblée de Jérusalem avec plus de lumières qu’aucun des prêtres présents ; il parla du concile de Carthage qui avait condamné Célestius, annonça le livre de la Nature et de la Grâce, et donna lecture de la lettre de l’évêque d’Hippone à Hilaire de Syracuse ; il put invoquer aussi l’autorité de saint Jérôme dans sa lettre à Ctésiphon et dans ses dialogues. Le prêtre espagnol dut souffrir, lorsque, l’assemblée ayant demandé à Pélage s’il reconnaissait avoir enseigné la doctrine combattue par l’évêque d’Hippone, le moine breton répondit : Qu’ai-je affaire d’Augustin ? Une soudaine indignation saisit tous les assistants, excepté l’évêque Jean, dont l’autorité put seule empêcher l’expulsion du novateur irrespectueux. L’évêque de Jérusalem crut pouvoir pardonner et prendre sur lui l’injure faite au grand homme d’Afrique en disant : Je suis Augustin ! Orose osa lui dire : « Si vous représentez ici la personne d’Augustin, représentez aussi ses doctrines. » L’évêque Jean parlait en grec, Pélage parlait dans cette langue, mais Orose ne s’exprimait qu’en latin ; l’interprète qui servait d’intermédiaire, coupable d’infidélité, embrouillait toutes les questions. Orose reconnut l’impossibilité de faire triompher la vérité dans des conditions pareilles ; il demanda que l’hérésie, plus connue chez les Latins, fût soumise à des juges latins, et l’évêque Jean décida que la cause serait portée au tribunal du pape Innocent Ier.

Pélage eut meilleur marché de l’assemblée de Diospolis, non pas au profit de sa doctrine, mais à son profit personnel. Les choses avaient été conduites de telle manière que ni Héros d’Arles et Lazare d’Aix, accusateurs de Pélage, ni Orose, ne purent se trouver à la réunion : il est permis de penser que l’évêque de Jérusalem ne fut pas complètement étranger aux décisions qui amenèrent l’absence de ces trois hommes importants. On fit lecture du mémoire des deux