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histoire de saint augustin.

évêques de Provence, mais les quatorze évêques du concile ne comprenaient pas le latin : il fallut traduire en grec le mémoire. Pélage possédait la langue grecque comme sa langue maternelle ; il répondit avec aplomb et facilité à toutes les questions qu’on lui adressa. Comme personne de ceux qui étaient présents ne put mettre sous les yeux de Pélage ses propres écrits et que la conférence se passa en demandes et en réponses, le moine breton, désertant ses propres doctrinés, marchant de mensonge en mensonge pour gagner du temps et mieux tromper les catholiques, anathématisa successivement tous les points de son hérésie ; il ne craignit pas d’abandonner Célestius comme un novateur dont il n’avait souci, et condamna si bien son disciple, que l’assemblée des évêques proclama son orthodoxie.

L’intérêt de la vérité religieuse préoccupait Augustin avant tout. Jean, évêque de Jérusalem, inspirait aux fidèles quelque défiance ; il pouvait avoir besoin d’être éclairé. L’évêque d’Hippone lui écrivit[1], joignant à sa lettre un exemplaire du livre de la Nature et de la Grâce, et demandant à Jean une copie des actes du synode de Lydda.

Augustin a pu dire avec vérité que, dans l’assemblée de Diospolis, on n’a pas absous l’hérésie, mais l’homme qui niait l’hérésie'[2]. Le livre des Actes de Pélage ou de ce qui s’est passé en Palestine, adressé à Aurèle, publié au commencement de 417[3], fut une parfaite analyse critique du concile de Diospolis. Augustin prononçait pour la première fois le nom de Pélage dans sa polémique.

L’évêque d’Hippone eut entre les mains une lettre qu’on disait écrite par Pélage à un prêtre de ses amis et dans laquelle il se glorifiait d’avoir reçu l’approbation de quatorze évêques pour la proposition suivante : L’homme peut rester sans péché et observer facilement les commandements de Dieu, s’il le veut. L’évêque d’Hippone montrait à la fois l’erreur de cette proposition et la mauvaise foi de Pélage[4]. Il fait aussi mention d’une défense que Pélage lui avait envoyée par Charus d’Hippone, diacre en Orient, et qui reproduisait inexactement les parties les plus importantes des actes du concile de Diospolis. Augustin surprit le moine breton en flagrant délit de fausseté. Pélage parlait beaucoup de son absolution à Diospolis, mais il aurait voulu détruire jusqu’aux dernières traces des actes véritables de cette conférence.

D’autres manifestations de l’Église allaient s’élever ; au mois de juin 416, soixante-huit évêques, sous la présidence d’Aurèle, assemblés à Carthage, selon la coutume, pour y traiter des affaires ecclésiastiques de la province, entendirent la lecture du mémoire d’Héros et de Lazare apporté par Orose, voulurent revoir les actes du concile de Carthage en 411, et condamnèrent les doctrines de Pélage et de Célestius. Ils adressèrent une lettre collective au pape Innocent Ier, afin de lui annoncer leurs décisions et de le prier de joindre à leurs efforts l’autorité du Siège apostolique. Au mois de septembre suivant, soixante et un évêques de la province de Numidie, parmi lesquels figure le nom d’Augustin, réunis à Milève, adressèrent aussi une lettre à Innocent, pour appeler sa sollicitude pastorale contre les enseignements nouveaux qui allaient jusqu’à interdire l’oraison dominicale. En même temps, cinq évêques, Augustin, Aurèle, Alype, Évode et Possidius, écrivaient au pontife de Rome, et lui exposaient dans toute sa vérité la doctrine pélagienne. Cette lettre, pleine, forte et précise, fut rédigée par l’évêque d’Hippone ; elle était accompagnée du livre de Pélage sur les forces de la nature, et de la réfutation d’Augustin. Les évêques demandaient au pape d’anathématiser l’ouvrage de Pélage ou d’obliger l’auteur à l’anathématiser lui-même. Un trait de respectueuse modestie terminait cette lettre : « Nous ne prétendons pas, disait Augustin à Innocent, augmenter avec notre petit ruisseau la fontaine de votre science ; mais dans cette grande tentation de notre temps, d’où puissions-nous être délivrés par Celui à qui nous disons : Ne nous laissez pas succomber à la tentation, nous avons voulu éprouver si notre goutte d’eau sort de la même source que votre fleuve abondant, et nous avons désiré qu’une réponse de vous nous consolât dans la participation de la même grâce[5]. » Un évêque, appelé Jules, partit pour Rome, chargé des trois lettres où l’Afrique chrétienne avait déposé la vérité. Le Saint-Siège les reçut avec respect et avec une haute intelligence de la question ; Innocent répondit[6] sans retard à

  1. Lettre 179.
  2. Serm. contre Pélage.
  3. L’original latin de cet ouvrage fut retrouvé à Fiesole, auprès de Florence, au commencement du xviiie siècle.
  4. De gestis Pelag., cap. 30.
  5. Lettre 177.
  6. Les réponses d’Innocent sont de 417, et forment les lettres 181, 182 et 183.