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chapitre trente-septième.

Trinité un ange sous les traits d’un enfant, cherchant a vider l’Océan avec une coquille. Il y a dans le mystère de la sainte Trinité quelque chose de si invinciblement vrai que les révélateurs de notre époque, les Messies contemporains, tristes contrefacteurs du christianisme, ont cru ne pas pouvoir se passer d’une trinité quelconque. N’avons-nous pas la trinité hégélienne, une trinité éclectique, une trinité saint-simonienne et je ne sais combien d’autres trinités rationalistes ? En se séparant du christianisme, les penseurs tombent dans les dernières profondeurs de l’extravagance, tout comme y tombaient leurs lointains devanciers avant l’apparition de l’Évangile ou en dehors des révélations du livre divin.

Augustin est parmi les Pères de l’Église ce qu’est saint Jean parmi les Évangélistes ; nul n’était plus propre à expliquer les admirables profondeurs du disciple bien-aimé. Haute intelligence et tendre charité, ce double caractère de saint Jean est aussi le double caractère du grand Augustin ; il appartenait à notre docteur de suivre pas à pas le doux Évangéliste, d’être son interprète auprès des hommes pour l’enseignement des mystères chrétiens, qui furent connus de Jean mieux que de tout autre mortel, et pour l’enseignement de l’amour, cette première et dernière loi du Fils de Marie. Les cent vingt-quatre traités sur l’Évangile et les dix traités sur la première Épître de saint Jean sont autant d’homélies prononcées par l’évêque d’Hippone durant l’année 416 ; on recueillait chaque homélie à mesure qu’Augustin la prononçait ; il revoyait ensuite l’explication improvisée devant les fidèles et lui donnait la forme qui est restée pour l’instruction de la postérité. Les préceptes de morale se mêlent toujours dans ces homélies à l’exposition de la foi et à l’éclaircissement des mystères ; les devoirs des hommes n’y sont point séparés de l’explication du dogme, et comme Augustin ne perdait jamais de vue les questions contemporaines qui agitaient l’Église, les commentaires de saint Jean renferment de vigoureuses réponses aux ariens, aux manichéens, aux donatistes et aux pélagiens. Ces belles explications du pontife africain ont sillonné de lumière le champ de la foi, et servi de règle et d’autorité à plus d’un grand homme catholique. Saint Léon, Théodoret, saint Fulgence, Cassiodore, Bède ; Alcuin, ont loué ou reproduit bien des passages des homélies d’Augustin sur le plus inspiré des douze disciples.




CHAPITRE TRENTE-SEPTIÈME.




Lettre de saint Augustin à Boniface. — Lettre à saint Paulin, à Dardanus, préfet des Gaules. — Diverses opinions sur Dardanus. — Lettre à Juliana sur le livre à Démétriade. — Lettre à Pierre et à Abraham.

(417.)


Le nom de Boniface est célèbre dans les annales romaines de la première moitié du cinquième siècle ; il représente la gloire des armes impériales dans ce temps où la gloire romaine se couchait sur les ruines. En 413, Boniface avait défendu Marseille contre les Goths ; en 417, il gouvernait l’Afrique ; le monde vantait son habileté, sa bravoure ; les populations africaines louaient sa justice, et les évêques contemporains l’estimaient pour sa piété chrétienne. Des liens de considération et d’amitié attachaient particulièrement le pontife d’Hippone au comte Boniface. Celui-ci, plus accoutumé au maniement des armes qu’aux discussions théologiques, n’était pas pleinement au courant de la question des donatistes, qui revenait sans cesse, malgré leur défaite ; il s’adressa à Augustin pour être exactement instruit de l’erreur des donatistes et des faits qui avaient amené contre eux l’intervention de la puissance temporelle. L’évêque, tout en s’excusant d’écrire longuement à un personnage qui n’avait