« Il ne convient pas à l’autorité épiscopale et surtout à votre prudence, dit Zozime aux évêques d’Afrique, de s’arrêter à des bruits légers. Voilà Pélage et Célestius, qui, dans leurs lettres et leurs confessions de foi, sont au pied du Siège apostolique. Où est Héros ? où est Lazare ? noms qui doivent être couverts de honte par des faits et des condamnations. Où sont les jeunes gens, Timase et Jacques, qui ont fait connaître certains écrits, comme on le prétendait ?… Aimez la paix, chérissez la charité, attachez-vous à la concorde. Il est écrit : Vous aimerez votre prochain comme vous-même. Peut-on être plus prochain l’un de l’autre que lorsqu’on doit n’être qu’un dans le Christ ? Tout vent qui arrive à vos oreilles n’est pas le messager de la vérité. » Zozime engage les évêques à prendre garde aux faux témoignages qui ont toujours produit de grands maux et qui n’avaient pas même épargné le Sauveur, hostie et pontife du monde entier. Il invoque les Écritures, qui recommandent de ne pas jurer légèrement. Les évêques d’Afrique doivent se réjouir d’avoir à reconnaître que des hommes, accusés par de faux témoins, n’ont jamais cessé d’appartenir à la vérité catholique.
Quel deuil religieux les deux lettres de Zozime durent apporter à Carthage !
Nous voici à un moment solennel dans l’histoire de l’Église. Une grande mission est confiée par la Providence à la persévérante énergie de l’épiscopat africain, et cette mission sera dignement remplie : il appartiendra surtout au génie et à la sainteté d’Augustin de défendre la vérité. Il subsiste peu de traces des vigoureux efforts de l’évêque d’Hippone et de ses collègues pour éclairer Zozime. L’absolution de Pélage et de Célestius eût amené dans l’Église un trouble énorme ; quelques lignes de saint Jérôme donnent à croire qu’Augustin avait songé à renoncer à l’épiscopat en cas de réhabilitation des deux hérésiarques. Jérôme écrivait au grand docteur après la victoire : « Vous avez résisté par l’ardeur de votre foi à la violence des vents, et vous avez mieux aimé, autant qu’il a dépendu de vous, vous sauver seul de l’embrasement de Sodome que de demeurer avec ceux qui périssaient. Votre prudence comprend ce que je veux dire. »
Aurèle se hâta de réunir le plus de collègues qu’il put, et dans une lettre collective, les évêques présents à Carthage supplièrent le pape de ne rien changer à la situation, et d’attendre des informations suffisantes. Ils lui rappelaient que Célestius avait été jugé devant eux ; que l’affaire commencée et instruite en Afrique devait se terminer en Afrique, et lui peignaient avec force la gravité du péril. Dieu, qui veille sur l’Église, permit que Zozime, dans sa réponse, laissât les choses au même état jusqu’à l’année suivante. Zozime avait ordonné au diacre Paulin de prendre le chemin de Rome ; les évêques d’Afrique crurent devoir retenir le diacre de Milan comme un témoin de la vérité. Au mois de novembre (417), Carthage vit accourir une multitude d’évêques de la Proconsulaire, de la Numidie et de la Bizacène : c’étaient les provinces les plus voisines ; on n’avait pas le temps de convoquer les évêques de tous les points de l’Afrique. Un concile de deux cent quatorze pontifes, ayant pour chef Aurèle et pour génie Augustin[1], maintint les décrets, antérieurs.
« Nous avons ordonné, disaient-ils, que la sentence contre Pélage et Célestius, descendue du siège du bienheureux apôtre Pierre, par le vénérable évêque Innocent, demeurera, jusqu’à ce qu’ils avouent, dans une confession de foi très-claire, que la grâce de Dieu, par Jésus-Christ Notre-Seigneur, nous aide dans chacun de nos actes, non-seulement, pour connaître, mais encore pour faire la justice ; de sorte que, sans cette grâce, nous ne pouvons rien penser, rien dire, rien accomplir qui appartienne à la vraie et sainte piété[2]. »
Les deux cent quatorze Pères de ce concile chargèrent le sous-diacre Marcellin de porter à Zozime leur lettre synodale ; le sous-diacre de Carthage n’arriva à Rome qu’au commencement du mois de mars 148. Le 29 du mois d’avril, la réponse de Zozime arrivait à Carthage. Cette réponse[3], haute et brève, relevai la dignité du siège apostolique aux dépens de l’épiscopat africain, et laissait entendre quel pontife de Rome aurait pu ne pas communiquer l’affaire de Célestius à Aurèle et à ses collègues ; elle annonçait pourtant que toute chose resterait dans le même état.
Aurèle reçut cette lettre au milieu d’un nouveau concile qui devait être général ; les pro-