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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome I.djvu/223

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chapitre trente-huitième.

de Bizacène, de Stèfe, de la Tripolitaine, de la Numidie, de la Mauritanie Césarienne, avaient envoyé leurs évêques au nombre de plus de deux cents. Le ter mai 418, tous ces pontifes, assemblés dans la basilique de Fauste, anathématisèrent en neuf canons[1] les doctrines pélagiennes. Ils informèrent[2] Zozime de leurs décrets, en le mettant en garde contre les pièges de l’ennemi.

La vérité était ainsi partie d’Afrique avec tous les caractères d’un assentiment universel et la plus imposante autorité. Qu’allait faire Zozime ? Augustin attendit à Carthage sa réponse. Oh ! que de prières et de pleurs il dut répandre pour que Dieu éclairât de sa lumière le pontife de Rome et détournât de l’Église la calamité d’une division ! Ce n’est pas à son propre génie qu’il obéissait dans cette question l’adhésion de tant de saints et de savants évêques, et surtout les belles lettres du pape Innocent, lui apparaissaient comme l’infaillible interprétation des Ecritures. La loi d’Honorius contre les pélagiens, datée de Ravenne, le 30 avril[3], lui fut sans doute d’un bon présage. Tillemont observe que saint Augustin appelle le rescrit d’Honorius une réponse ; ce qui prouve que les évêques d’Afrique avaient demandé la loi à l’empereur. Baronius suppose gratuitement que Zozime sollicita cette loi ; la lettre de Zozime du 24 mars, si peu favorable aux décisions des évêques d’Afrique, rend inadmissible au contraire l’opinion de Baronius. Il y aurait plutôt quelque vérité à croire que le rescrit d’Honorius excita le pape à mieux creuser cette affaire.

Après avoir reçu la lettre synodale du concile du 1er mai 448, le souverain pontife somma Célestius de comparaître devant lui ; l’hérésiarque refusa et sortit de Rome. Alors Zozime, plein d’une vive ardeur pour la vérité qui venait de lui être révélée, écrivit aux évêques d’Afrique, et puis envoya aux quatre coins du monde une lettre[4] où il condamnait Célestius, Pélage et leur enseignement tout entier. C’était, disait-il, par un instinct de Dieu, auteur de tout bien, qu’il avait communiqué cette affaire aux évêques d’Afrique.

L’univers catholique reçut les décrets des conciles de Carthage. L’Église africaine n’eut jamais une plus grande joie ni un plus grand honneur. Une sorte de profession de foi de Zozime fut signée par tous les évêques de la terre, ce qui fait dire à saint Prosper que Zozime avait mis aux mains de tous les pontifes l’épée de saint Pierre ; dix-huit évêques, la plupart italiens ou siciliens, refusèrent de souscrire à cette déclaration catholique ; la déposition et l’excommunication les punirent de leur résistance. Ils avaient pour chef Julien, évêque d’Éclane en Campanie, ce Julien contre lequel Augustin combattra jusqu’à sa dernière heure. Frappés par tant de condamnations, les pélagiens sollicitèrent, mais en vain, un concile œcuménique comme pour éterniser une cause définitivement jugée. On vit les dix-huit évêques pélagiens, chassés de leur pays, promener leur défaite à travers le monde, chercher des amis à Constantinople, à Thessalonique, à Éphèse, et s’épuiser en efforts pour ressaisir une puissance brisée. Pélage, plus tard, condamné encore à Antioche, fut chassé de Jérusalem par l’évêque Prayle. Le nouveau Catilina, disait saint Jérôme, a été expulsé de la ville sainte.

Ainsi, l’Orient et l’Occident s’étaient unis dans une même réprobation de la doctrine pélagienne, et la foi chrétienne sortait triomphante d’une terrible épreuve. Saint Prosper, le poète de la grâce comme saint Augustin en est le docteur, accorde à l’évêque d’Hippone la gloire d’avoir contribué entre tous à cette œuvre immense. Il dit qu’Augustin a donné à ses contemporains une lumière empruntée à la vraie lumière ; que Dieu a été sa nourriture, sa vie et son repos ; que l’amour du Christ a été sa seule volupté ; qu’en ne s’accordant aucun bien, il a trouvé tout en Dieu, et que la sagesse a régné dans le saint temple. Abordant ensuite la question pélagienne, le poète dit que, parmi les gardiens du troupeau sacré, Augustin est celui quia le plus travaillé et le mieux travaillé ; qu’il a arrêté l’ennemi, trompé ses ruses, coupé ses chemins ; que de sa bouche des fleuves de livres ont coulé sur le monde, et que les doux et les humbles s’y sont abreuvés[5]. Julien de Campanie fait à Augustin le beau et magnifique reproche d’avoir tout inspiré et tout dirigé contre les pélagiens. En présence d’un tel service rendu à la foi, il nous

  1. Tome ii, Concil. Le concile de Carthage, du 1er mai 418, publia aussi dix canons sur la réunion des donatistes pour mettre fin à plusieurs difficultés entre les évêques.
  2. Cette lettre est perdue ; saint Augustin en a donné des fragments (liv. à Bonif), et Mercator en parle. Commonit.
  3. Appendix, tome X, p. 105.
  4. Cette lettre est perdue ; saint Augustin, saint Prosper, le pape Célestin, nous en ont conservé des fragments.
  5. De Ingratis.