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chapitre quarante-unième.

du ciel. Cela se rapporte donc à sa personne, et non à son vêtement. Il est descendu sans le vêtement de son corps, il est monté avec le vêtement de son corps ; mais celui qui monte n’est pas autre que celui qui est descendu… Si quelqu’un descend d’une montagne ou d’un rempart sans vêtement ou sans armes, et qu’il y remonte bien vêtu ou bien armé, n’est-ce pas toujours la même personne[1] ? »

Augustin est toujours éloquent lorsqu’il parle de Dieu. L’enthousiasme excite alors son génie, et ceux qui l’écoutent sont ravis.

« Ô mes bien aimés frères ! s’écrie-t-il dans un de ses sermons[2], quelle parole passagère comme la nôtre louera dignement la parole éternelle, le Verbe de Dieu ? Comment un si pauvre instrument pourra-t-il suffire à raconter les grandeurs infinies ? Que les cieux le louent, que les voûtes des cieux le louent, que les puissances de l’air le louent, que les grands luminaires du firmament et les astres redisent sa gloire ; que la terre le loue aussi comme elle pourra ; si elle ne sait le célébrer dignement, qu’au moins elle ne soit pas ingrate. Expliquez et comprenez Celui qui, dans sa puissance, atteint d’une extrémité à l’autre, et qui ordonne tout dans sa bonté. Comment se lève-t-il pour courir cette immense carrière dans laquelle il part du plus haut des cieux et veut remonter au plus haut des cieux ? S’il atteint partout, d’où a-t-il pu sortir ? S’il atteint partout, où peut-il aller ? Il n’est point circonscrit par les lieux ni changé par les temps, il n’a ni entrée ni sortie ; demeurant en lui-même, il remplit et environne tout. Quels espaces ne le possèdent dans sa toute-puissance, ne le contiennent dans son immensité, ne le sentent dans son action ? Voyez tout ce que j’ai dit, et ce n’est rien. Mais pour que les humbles créatures puissent dire quelque chose de lui, il s’est humilié en prenant la forme d’esclave, est descendu sous cette forme, et, selon l’Évangile, il a avancé par degrés dans l’étude de la sagesse. Sous cette forme d’esclave, il a été patient et a combattu vaillamment ; il est mort et a vaincu la mort ; sous cette forme, il est rentré au ciel, lui qui n’a jamais quitté le ciel… Quel est donc ce roi de gloire, pour lequel il est dit : Élevez vos portes, ô prince ! Portes éternelles, élevez-vous ? Élevez-vous, car il est grand ; vous ne pourriez lui suffire ; élevez-vous, afin qu’il entre, ce roi de gloire ! Et les princes sont dans l’étonnement ; ils ne le connaissent pas. Quel est ce roi de gloire ? Il n’est pas seulement Dieu, mais il est homme ; il n’est pas seulement homme, il est Dieu. Il souffre ? n’importe, il est Dieu. Il ressuscite ? n’importe, il est homme. Est-il donc Dieu et homme ? Élevez vos portes, ô prince ! Portes éternelles, élevez-vous, et le roi de gloire entrera… C’était chose nouvelle pour les enfers de recevoir un Dieu, chose nouvelle pour les cieux de recevoir un homme, et partout les princes, saisis de surprise, demandent : Quel est ce roi de gloire ? Écoutez la réponse : C’est le Seigneur fort et puissant, le Seigneur puissant dans les combats ! »




CHAPITRE QUARANTE-DEUXIÈME.




Continuation du même sujet.

La vie d’Augustin, depuis sa conversion à la foi chrétienne, fut une grande et merveilleuse vie. Jusqu’à trente-deux ans, le fils de Monique ne put rien produire qui ait mérité le souvenir des hommes ; c’est que, pour enfanter d’importantes œuvres, il faut croire à quelque chose, il faut avoir une base, un principe, un point fondamental sur lequel s’appuie l’intelligence, et le jeune homme de Thagaste s’en allait tristement de nuage en nuage. Le mirage du désert se reproduisait sans cesse aux yeux de ce voyageur qui cherchait un peu d’eau pure et un frais abri. Augustin mena des jours stériles et fut en quelque sorte sans valeur jusqu’à l’heure où il devint chrétien. Le corail, tant qu’il demeure au fond des mers, est terne

  1. Sermon 263.
  2. Sermon 377.