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histoire de saint augustin.

un mort de quatre jours, rendez la vue à un aveugle-né, mais il nous dit : Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. Il est celui à qui il a été dit : Vous êtes le seul qui accomplissiez des merveilles ; mais ce n’est point à cela qu’il nous invite. Il veut que nous imitions ce qu’il a fait comme homme. Or, souffrir, être humilié, mourir, voilà l’homme !

Le Fils de Marie a pris toutes nos infirmités afin de pouvoir rassembler sous ses ailes les enfants de Jérusalem, comme la poule rassemble ses petits. Voyez quelle image le Seigneur a choisie[1] ! Les autres oiseaux qui ont des petits, ceux-là mêmes qui font leurs nids sous nos yeux, ne montrent pas la même sollicitude. Le passereau solitaire, l’hirondelle fidèle à notre toit, la cigogne et beaucoup d’autres oiseaux réchauffent leurs œufs, nourrissent leurs petits, mais nul oiseau ne s’abaisse et ne se fait infirme avec ses petits comme la poule. Certes, s’écrie Augustin, je dis une chose commune, et qui frappe nos yeux chaque jour. Voyez comme la voix de la poule devient rauque et entrecoupée, comme tout son corps se hérisse, ses ailes s’abattent, ses plumes s’élargissent, comme elle marche avec inquiétude autour de ses petits ! C’est l’image de la tendresse maternelle, et c’est pour cela que le Sauveur l’a choisie en disant : « Jérusalem ! Jérusalem ! combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses petits sous ses ailes, et tu ne l’as pas voulu ! » Il a rassemblé toutes les nations comme une poule rassemble ses petits, lui qui s’est fait infirme pour nous, qui a été méprisé, souffleté, flagellé, attaché au gibet, percé d’une lance voilà bien toute la désolation de la tendresse maternelle, mêlée cependant d’une majesté divine.

L’évêque d’Hippone[2] nous montre la divine puissance de Jésus mourant ; il nous montre le Christ sur la croix, attendant librement que tout soit accompli avant de mourir. Bourdaloue a magnifiquement développé cette pensée dans la première partie de son sermon sur la Passion de Jésus-Christ, où il fait voir que, dans le mystère de la Passion, le Sauveur a fait paraître toute l’étendue de sa puissance. Il ne cite pas saint Augustin, mais il cite saint Paul, qui le premier montra dans le Christ crucifié un miracle de la force de Dieu[3].

Augustin[4] proclame la gloire de la croix, longtemps un objet d’horreur, et qui maintenant se pose sur le front des rois. Ce n’est point le fer, c’est le faible bois qui a dompté l’univers. Quel est donc ce conquérant qui s’avance ? C’est le Christ, qui, avec sa croix, a vaincu tous les potentats de la terre ; après les avoir subjugués, il a planté sa croix sur leur front, et ces monarques s’en glorifient, parce que là est toute leur espérance[5]. Il avait donné, aux mages un signe pour qu’ils le connussent, c’était une étoile ; mais ce n’est pas le signe qu’il a choisi pour lui ; ce n’est pas une étoile qu’il a voulu placer sur le front de ses serviteurs, c’est la croix. Il veut être glorifié par où il a été humilié[6]. Ceux qui assistaient au crucifiement croyaient ce bois digne de mépris ; ils passaient en secouant la tête et disaient : Si cet homme est le Fils de Dieu, qu’il descende de la croix ! Mais Jésus cachait sa puissance, parce qu’il le fallait pour être jugé[7]. S’il l’avait montrée, qui aurait osé le condamner ? S’ils l’avaient connu, dit l’Apôtre, ils n’auraient jamais crucifié le Roi de gloire.

À ceux qui demandent l’explication des miracles par le sens humain, Augustin demande l’explication d’un fait bien commun. « Pourquoi, leur dit-il, la semence d’un figuier, qui est un gros arbre, est-elle si petite qu’à peine est-elle visible ? Cependant vous savez, non par le témoignage de vos -yeux, mais par celui de votre esprit, que les racines et le tronc de cet arbre, les feuilles dont il doit se couvrir et les, fruits qu’il doit porter, sont cachés et renfermés dans cette graine, toute petite qu’elle soit, Je ne vais pas plus loin. Eh quoi ! vous ne pouvez me rendre raison d’une chose si commune, et vous voulez me demander raison des plus grands miracles ! Lisez donc l’Évangile et croyez. Une chose qui surpasse tout et que vous n’admirez pas, c’est que rien n’existait d’abord, et voilà le monde[8]. »

Le Sauveur avait dit : Personne ne monte au ciel que celui qui est descendu du ciel. Là-dessus, des hérétiques avaient cru devoir nier l’ascension glorieuse, parce que le corps de Jésus, n’étant pas descendu du ciel, n’avait pas pu y monter. « Mais, dit Augustin, Notre-Seigneur n’a pas dit : Rien ne monte au ciel que ce qui en est descendu ; mais il a dit : Personne ne monte au ciel que celui qui est descendu

  1. Enarr. Ps. LVIII.
  2. In Joan. XXXI.
  3. Christum crucifixum Dei virtutem.
  4. Enarr. Ps. LIV.
  5. Ps. XCV.
  6. In Joan. ; III.
  7. Sermon 263.
  8. Sermon 247.