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chapitre quarante-huitième.

Règle de saint Augustin. D’illustres et saints fondateurs d’ordres, de diverses époques, réfléchissant devant Dieu sur cette grande chose qu’on appelle l’établissement d’un ordre, n’avaient trouvé rien de mieux à faire que d’adopter pour leur milice la Règle du docteur africain. Saint Dominique, chef d’une milice si fameuse, cette âme sublime dont un prêtre éloquent[1] a repris l’œuvre parmi nous, ne craignit point de choisir la législation augustinienne. C’est que le grand homme africain est allé jusqu’au fond de l’âme humaine, c’est qu’il a bien connu notre nature, nos infirmités et nos besoins ; les lois qui sont l’expression de telles vérités sont d’une constante application. À l’heure où nous écrivons, et malgré les ravages d’un demi-siècle de révolutions, combien de communautés en Europe ont encore pour invisible chef l’admirable Augustin ! Et si Dieu bénit nos armes en Afrique, sans doute la Règle glorieuse fleurira sur les débris d’Hippone, et le christianisme reprendra son œuvre au lieu d’où la barbarie l’avait exilé.




CHAPITRE QUARANTE-HUITIÈME.




Les reliques de saint Étienne à Hippone. — Histoire de Paul et de Palladie. — Élection d’Éraclius, successeur de saint Augustin.

(424-425-426.)


Nous avons parlé ailleurs[2] de la découverte des reliques de saint Étienne aux environs de Jérusalem, sous l’épiscopat de Jean, le même dont le nom a figuré dans la question pélagienne. Cette découverte fut un grand événement dans le monde chrétien. Chaque église ambitionnait la possession de quelques restes du premier martyr. L’Église d’Hippone en obtint une riche part ; l’universelle et glorieuse renommée de son évêque lui valut ce trésor. Le jour de l’arrivée des reliques fut un jour de fête ; la piété du peuple d’Hippone m’était vivement excitée. Augustin prononça un sermon pour la réception des restes précieux. Il les fit placer dans une chapelle de son église quatre vers inscrits sur la voûte de la chapelle[3] avertissaient de rapporter à Dieu seul les miracles Opérés par l’intercession et les reliques du martyr de Jérusalem. La basilique, qui jusque là s’était appelée basilique de la Paix, prit le nom de Saint-Étienne. La dévotion dans l’illustre diacre lapidé devint grande à Hippone ; le culte pour le martyr saisit les vives imaginations de ce pays. C’est en 424 que les saintes reliques étaient arrivées : en moins de deux ans, soixante-dix mémoires ou récits constatèrent soixante-dix miracles ; ces mémoires étaient faits par ceux-là mêmes qui en avaient senti les miraculeuses influences ; le saint évêque l’avait ainsi ordonné afin de pouvoir publier ces récits[4]. Saint Augustin semble n’affirmer que trois résurrections et la guérison merveilleuse de Paul et de sa sœur Palladie. Il fut témoin oculaire de ce dernier et double prodige, et tout le monde à Hippone put l’attester aussi. Voici en deux mots cette histoire.

Une veuve de Césarée en Cappadoce avait maudit ses dix enfants pour les punir de leurs outrages ; la malédiction maternelle était montée jusqu’au ciel, et les dix enfants avaient été saisis d’horribles tremblements dans leurs membres. Ne pouvant supporter les regards de leurs concitoyens, ces malheureux s’en allèrent à travers l’univers romain. Deux d’entre eux, un frère et une sueur, Paul et Palladie, arrivèrent à Hippone. Admis aux pieds du saint évêque, ils lui annoncèrent qu’ils l’avaient vu tous les deux en songe sous les traits d’un vénérable personnage en cheveux blancs et environné de lumière ; ils ajoutèrent qu’ils

  1. Le P. Lacordaire.
  2. Histoire de Jérusalem, tome ii.
  3. Sermon 318 de saint Augustin.
  4. Cité de Dieu, livre XXII, chap. 8.