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histoire de saint augustin.

avaient vu Augustin tel qu’il leur apparaissait en ce moment : un songe les conduisait donc à Hippone. On était alors à quinze jours avant Pâques (425). Chaque jour Paul et Palladie visitaient la chapelle du glorieux Étienne, et le suppliaient d’obtenir de Dieu qu’il leur rendît la santé. Dans les rues d’Hippone tous les yeux se portaient sur les deux jeunes maudits, qui racontaient la cause de leur malheur. Le jour de Pâques, au matin, lorsque déjà la foule inondait la basilique, Paul en prière se tenait attaché à la balustrade de la chapelle de saint Étienne : tout à coup il tombe et demeure étendu comme un homme endormi ; ses membres restent en repos, ce qui ne lui arrivait pas auparavant, même durant son sommeil. La stupeur, l’effroi, la pitié saisissent la multitude des assistants ; on. convient d’attendre le dénouement de cette scène et de ne pas toucher le corps de Paul. Mais voilà que le jeune homme se lève, marche et ne tremble plus ; l’intercession de saint Étienne venait de le guérir. Alors des cris joyeux retentissent dans l’église ; on court avertir Augustin, qui déjà s’avançait. Paul se présente au milieu des acclamations et du tumulte, s’incline aux genoux de l’évêque, qui l’embrasse. Augustin salue le peuple, et des cris d’allégresse et de bruyantes actions de grâces lui répondent. Ce jour-là le sermon d’Augustin fut court ; Dieu venait de parler : il était bon de laisser le peuple tout entier à l’éloquence de l’œuvre divine. L’évêque fit dîner Paul avec lui, et le jeune homme lui raconta son histoire. Peu de jours après, pendant que l’évêque faisait lire l’histoire de Paul en présence de la multitude des fidèles et en présence même de Paul et de Palladie, la jeune fille de Césarée se trouva guérie de la même manière que son frère. Et de nouveaux cris religieux remplirent la basilique, et de nouvelles larmes coulèrent de tous les yeux[1] !

Il y a des gens qui ne permettent pas qu’on leur parle de miracles : ce sont des choses qui, surpassent leur entendement ou plutôt leur bonne volonté. Mais il faut bien y croire quand un homme comme saint Augustin dit : J’ai vu, et quand des faits qu’il est impossible d’expliquer naturellement s’accomplissent sous les yeux de toute une ville.

À mesure que les jours s’accumulaient sur sa tête et que le terme de la vie semblait approcher, Augustin était préoccupé de la partie de ses travaux encore inachevée, préoccupé surtout des imperfections qui pouvaient se rencontrer dans ses ouvrages si nombreux. Il songea donc à réserver le peu d’années qui lui restaient pour faire ce que nul autre n’aurait pu accomplir, et à se donner un successeur qui, dès ce moment, le soulageât d’une portion du fardeau épiscopal. Le grand docteur avait dès lors en vue la revue de ses livres, dont nous parlerons un peu plus tard.

Un dimanche, c’était le 24 septembre 426, une foule plus nombreuse que de coutume remplissait l’église de la Paix à Hippone ; deux évêques, Religien et Martinien, les prêtres Saturnin, Leporius, Barnabé, Fortunatius, Bustique, Lazare, Éraclius et tout le clergé de la ville étaient présents. On avait été averti des intentions d’Augustin. Au milieu de cette grande assemblée, l’illustre vieillard, prenant la parole, commença par dire qu’aux diverses saisons de la vie on espère, mais qu’à la dernière saison on n’espère plus. « Je suis arrivé dans cette ville à la vigueur de l’âge, continua-t-il ; je fus jeune et me voilà « vieux. Je sais qu’après la mort des évêques, les ambitions et les contestations troublent souvent les Églises ; je dois, autant qu’il est en moi, épargner à cette ville ce qui a fait plus d’une fois le sujet de mes afflictions. Comme votre charité l’a su, je suis allé récemment à Milève ; nos frères et les serviteurs de Dieu qui sont là-bas m’avaient appelé. La mort de mon frère et collègue Sévère faisait craindre une émotion populaire. Je suis donc allé à Milève ; et la miséricorde de Dieu ayant béni mes efforts, on a reçu avec une grande paix le successeur que Sévère avait désigné de son vivant : le peuple a accueilli le désir de l’évêque, du moment qu’il en a eu connaissance. Il y avait cependant quelques fidèles assez mécontents de ce que Sévère s’était borné à désigner son successeur à son clergé au lieu de le désigner aussi au peuple. Que dirai-je de plus ? Grâce à Dieu, la tristesse s’en est allée pour faire place à la joie, et le choix de Sévère a été accepté. Quant à moi, ne voulant exciter les plaintes de personne, je viens vous déclarer à tous ma volonté, que je crois être celle de Dieu : je veux pour successeur le prêtre Éraclius[2]. »

À peine ces derniers mots furent prononcés,

  1. Cité de Dieu, livre XXII, chap. 8.
  2. Quelques éditions portent Éradius.