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chapitre quarante-neuvième.

CHAPITRE QUARANTE-NEUVIÈME.




Les livres de la doctrine chrétienne.

(426.)


Qui de nous ne s’est senti plus léger, plus vivace et plus fort en respirant l’air des montagnes ? Une énergie nouvelle se répandait en nous : il semblait que nous aurions pu nous envoler comme de grands oiseaux qui devant nous fendaient l’espace. Ainsi l’application aux choses élevées, l’air qu’on respire au sommet des grandes questions religieuses et philosophiques fortifient l’intelligence et donnent de l’élan à la pensée. L’étude des prodigieux travaux de saint Augustin est comme un voyage à travers les montagnes ; elle est difficile et demande d’intrépides efforts ; mais l’esprit y gagnera de la puissance, et le cœur un plus ardent amour pour le bien.

Nous aurions pu parler, il y a déjà longtemps, de l’ouvrage sur la Doctrine chrétienne, si nous avions voulu prendre ce traité tel qu’il parut peu d’années après l’épiscopat d’Augustin ; mais c’est en 426 que cet ouvrage reçut son complément ; le docteur en était resté au vingt-cinquième chapitre du troisième livre ; jetant un dernier regard sur l’œuvre et la trouvant imparfaite, il acheva le troisième livre et en ajouta un quatrième. Dans la Revue de ses livres[1], il se reproche d’avoir avancé comme une chose positive que Jésus, fils de Syrach, fut l’auteur de la Sagesse de Salomon, et se reproche aussi une faute de mémoire dans le vingt-huitième chapitre du deuxième livre de la Doctrine chrétienne, en citant saint Ambroise. « Les trois premiers livres, dit Augustin[2], servent à l’intelligence des Écritures, et le quatrième apprend à mettre au jour les vérités divines qu’on aura comprises. »

Dans le prologue de la Doctrine chrétienne, l’évêque d’Hippone dit à ceux qui ne comprendraient point l’utilité de ses instructions, que ce ne serait pas sa faute si, voulant voir la lune à son croissant ou à son décours, ils n’avaient pas même les yeux assez bons pour découvrir son doigt levé vers l’astre rayonnant au ciel. Quant à ceux qui, à l’aide même de ces préceptes, ne pourraient percer les obscurités de l’Écriture, Augustin leur fait entendre que la force de leurs regards n’irait qu’à reconnaître son doigt étendu pour leur montrer les astres, et non pas à découvrir les astres mêmes.

Un passage du prologue nous fait voir à quelle hauteur morale l’homme était placé dans la pensée d’Augustin. « Toutes choses, dit-il, pouvaient se faire par le ministère d’un ange ; mais la condition humaine serait vile si Dieu paraissait ne pas vouloir communiquer sa parole aux hommes par le ministère des hommes. Comment ce mot serait-il vrai : Le temple de Dieu est saint, et c’est vous qui êtes ce temple, si Dieu ne rendait pas ses oracles du temple humain, et s’il voulait tirer du ciel et faire retentir au moyen des anges tout ce qui doit être enseigné aux hommes ? Et puis cette charité qui lie les hommes les uns aux autres par le nœud de l’unité ne saurait plus comment mêler et fondre les âmes entre elles si les hommes n’avaient rien à apprendre aux hommes. » Le prologue nous dit aussi que de quelque intelligence que parte un conseil de vérité, on doit l’attribuer à Dieu seul, qui est la vérité immuable : personne ne possède rien en propre, si ce n’est le mensonge.

En établissant des règles pour aider à l’intelligence des livres saints, le grand docteur ne prétend pas qu’on arrive à la compréhension de chaque chose de l’Écriture, et lui-

  1. Livre ii, chap. 4.
  2. Revue, livre II, ch. 4.