« Nous voyons maintenant à travers un miroir en énigme, » et : « Maintenant je connais imparfaitement, » est vu par l’esprit, vu pleinement, et cependant ne produit pas encore la béatitude. Ce qui la produit, l’Apôtre le dit : « Mais alors nous verrons face à face ; » et « Alors je connaîtrai aussi bien que je suis connu[1]. » Ceux qui ont trouvé cela sont, on peut le dire, établis dans la possession de la béatitude, à laquelle conduit le chemin de la foi que nous suivons, et à laquelle nous souhaitons d’arriver par la foi. Mais quels sont ces bienheureux qui sont déjà en possession du but où conduit cette route ? c’est une grande question. Que les saints anges y soient, il n’y a pas de doute. Mais les hommes saints, déjà morts, peut-on dire qu’ils soient réellement dans cette possession ? C’est une question à examiner. Ils sont, il est vrai, délivrés, de ce corps de corruption qui est à charge à l’âme ; mais ils attendent encore eux-mêmes la rédemption de leurs corps ; leur chair se repose dans L’espoir, mais elle ne brille pas encore de l’éclat de l’incorruptibilité future. Du reste ce n’est pas ici le lieu de rechercher s’ils n’ont pas moins la jouissance de la contemplation de la vérité par les yeux du cœur, et, comme il est écrit : « face à face. » J’ai dit également : «Savoir ce qui est grand, ce qui est honnête, et même ce qui est divin, voilà la béatitude ; » il faut rapporter ces mots à la béatitude dont je viens de parler. Car, tout ce qu’on sait de cela dans la vie d’ici-bas, n’est pas encore la béatitude ; et ce qu’on en ignore est incomparablement supérieur à ce qu’on cri sait.
3. Et ce que j’ai dit : « Il y a une grande différence entre ce que nous tenons par la ferme raison de notre intelligence, ce que nous appelons savoir, et ce que la renommée ou l’histoire recommandent à la croyance de la postérité ; » et peu après : « Ce que nous savons, nous le devons à la raison ; ce que nous croyons, à l’autorité[2] ; » il ne faut pas le prendre en ce sens que dans le langage usuel nous craignions de dire que nous savons ce que des témoins, dignes de foi nous engagent à croire. Quand nous parlons rigoureusement, nous ne disons savoir que ce que nous comprenons par la ferme raison de notre intelligence. Quand nous parlons selon des termes plus habituels, comme parle elle-même la divine Écriture, n’hésitons pas à dire que nous savons, et ce que nous percevons par les sens de notre corps, et ce que nous croyons sur des témoignages dignes de foi. Il suffit que nous comprenions la distance qu’il y a entre l’un et l’autre.
4. Quand j’ai dit : « Personne ne saurait «douter que tous les hommes sont ou des fous ou des sages[3] ; » cette parole peut paraître contraire à ce que j’ai dit dans le troisième livre du Libre Arbitre : « Comme si la nature « humaine n’avait pas une sorte de milieu entre «la folle et la sagesse[4] ! » Mais dans le premier passage il s’agissait d’examiner si le premier homme a été créé sage ou insensé, ou ni l’un ni l’autre. On ne pouvait pas appeler insensé celui qui avait été créé sans défaut, puisque la folie est un grand défaut ; d’un autre côté, comment appeler sage celui qui a pu être séduit ? J’ai donc dit en manière de résumé «Comme si la nature humaine n’avait pas une « sorte de milieu entre la sagesse et la folie. » J’avais aussi en vue les petits enfants que nous reconnaissons entachés du péché originel mais que nous ne pouvons, proprement appeler ni sages ni fous, puisqu’ils n’usent encore de leur libre arbitre ni en bien ni en mal. Et quand j’ai dit ici que tous les hommes sont sages ou fous, j’ai voulu parler de ceux qui usent de leur raison, laquelle les distingue des animaux et fait qu’ils sont hommes. C’est dans le même sens que nous disons que tous les hommes veulent être heureux. En effet, en émettant cette pensée si vraie et si évidente, est-ce que nous craignons qu’on n’y comprenne les enfants qui ne peuvent pas avoir encore une volonté pareille ?
5. Ailleurs, rappelant ce que le Seigneur Jésus a fait lorsqu’il était en ce monde, j’ai ajouté : « Pourquoi ces merveilles ne s’opèrent-elles plus aujourd’hui ? » Et j’ai répondu : « Parce qu’elles n’auraient pas la puissance d’émouvoir si elles n’étaient pas des merveilles, et elles ne seraient plus merveilles si elles étaient habituelles[5]. » J’ai voulu dire qu’il ne s’en opère plus d’aussi grandes et d’aussi nombreuses, et non pas qu’il ne s’en opère plus du tout.
6. À la fin du livre on lit : « Mais comme notre discours s’est prolongé beaucoup plus que je ne pensais, arrêtons-le ici ; je souhaite que vous vous souveniez que je n’ai pas en-